"L'usage des instruments"

Mis à jour le 31.01.25

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Interview de Anne-Cécile Mathé sur l'apprentissage et l'enseignement de la géométrie à l'école

“L’usage d’instruments amène les élèves à enrichir leurs regards sur les figures”

Anne-Cécile Mathé est didacticienne des mathématiques et maîtresse de conférences à l’université Clermont-Auvergne. Elle est co-autrice, avec Marie-Jeanne Perrin et Thomas Barrier, de l’ouvrage « Enseigner la géométrie élémentaire. Enjeux, ruptures et continuités », Éd. Académia 2024.

POURQUOI ENSEIGNER LA GÉOMÉTRIE À L’ÉCOLE ?

 La géométrie enseignée à l’école recouvre deux grands champs de connaissances. Son enseignement vise d’une part la construction de connaissances spatiales, liées au repérage dans des espaces divers : la classe, la ville, la feuille de papier… Il vise, d’autre part, la construction de connaissances géométriques.

Il s’agit d'accompagner les élèves dans l’étude de formes, de figures, d’objets, de relations géométriques, en appui de la perception et de l’usage d’instruments dans des activités de reproduction, de construction ou de description de figures. Enseigner cette géométrie a une certaine légitimité culturelle et sociale. C’est une géométrie de constructeurs, comme peuvent l’être certaines géométries pré-euclidiennes ou certaines géométries professionnelles. Cette géométrie peut, par ailleurs, servir au développement de premiers raisonnements et démarches de preuve.

VOUS PARLEZ DE RUPTURE ENTRE GÉOMÉTRIE MATÉRIELLE ET GÉOMÉTRIE THÉORIQUE, POURQUOI ?

 « La » géométrie enseignée dans la scolarité obligatoire recouvre deux pratiques géométriques bien différentes. La géométrie de l’école est une géométrie matérielle. Elle donne à résoudre des problèmes portant sur des objets matériels, à l’aide de la perception et des instruments. La géométrie du collège est une géométrie déductive théorique. Elle convoque des objets et relations théoriques, sur lesquels on agit et produit des connaissances via des démonstrations.

La grande similitude des objets de travail, dans leur forme, et la rupture profonde entre ces pratiques géométriques sont source de beaucoup de difficultés pour les élèves comme pour les enseignants. Mieux cerner ce que peuvent recouvrir chacune de ces géométries, interroger les visées de leurs enseignements et l’aménagement possible d’un passage de l’une à l’autre constitue un enjeu important, pour la recherche et pour l’école.

“Le travail langagier est un lieu de conceptualisation et une activité géométrique essentielle et complexe”

QUELLE PLACE DONNER À L’USAGE DES INSTRUMENTS ? 

L’utilisation d'instruments occupe, bien sûr, une place centrale dans les activités géométriques de l’école. La question qui se pose alors est celle des enjeux de ce travail instrumenté. Plus que de viser des tracés précis, le travail avec les instruments doit permettre la rencontre des élèves avec des connaissances et savoirs géométriques. Tracer un cercle avec un compas pourra être mis en lien avec l’idée qu’un cercle est une ligne située toujours à la même distance d’un point.

La règle permet de tracer des segments ou des droites alors vus comme traits rectilignes, de longueur finie ou non. Pour savoir où placer sa règle, on a besoin de deux points ou d’un segment : une droite est caractérisée par deux points ou un segment. L’usage d'instruments amène les élèves à enrichir leurs regards sur les fi gures, pour y voir des formes, des segments, des droites, des points et des relations géométriques, et à construire des connaissances sur ces objets et leurs relations.

EN QUOI L’APPRENTISSAGE ET L’USAGE DU LANGAGE GÉOMÉTRIQUE SONT-ILS IMPORTANTS ?

Entrer dans une pratique géométrique, c’est aussi construire un langage spécifique permettant d'identifier les objets et relations géométriques en jeu et d’en parler. Articulé au travail instrumenté, le travail langagier est un lieu de conceptualisation et une activité géométrique essentielle et complexe. Comprendre et utiliser en situation l’expression « un cercle de centre O passant par le point A » suppose non seulement de connaître un certain lexique géométrique mais aussi d’avoir pris conscience que l’on a besoin de deux donnés pour caractériser un cercle, ici son centre et un point du cercle.

Que la construction d’un tel langage est difficile, mais essentiel, en particulier pour les élèves les plus fragiles !Comment permettre aux élèves de saisir l’importance d’un lexique spécifique partagé et de comprendre les contraintes géométriques qui pèsent sur ce langage ? Comment s’appuyer sur le travail instrumenté pour engager un travail de verbalisation, vers un langage pour communiquer ? Au cycle 3, par exemple, mettre les élèves en situation de production de programme de construction permet de comprendre les contraintes qui pèsent sur ce type de message.

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