L'EAS dès le plus jeune âge
Mis à jour le 22.03.23
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Itv de Séverine Ferrière, professeure en sciences de l'éducation et formatrice
Séverine Ferrière est professeure en sciences de l’éducation et formatrice à l’INSPE de la Réunion.
Faut-il enseigner l'EAS dès le plus jeune âge ? Pourquoi ?
Oui, c’est un enseignement important présent dans les programmes depuis les années 70 où l’entrée se faisait par la prévention et l’information à la sexualité. Aujourd’hui s’y ajoutent toutes les dimensions de la vie affective, le développement de l’enfant et le champ juridique et social. Les enfants vivent dans le même monde que les adultes, questionnent sur la vie quotidienne et sont exposés aux médias. Il serait trop facile de dire qu’ils sont trop petits. Dès la maternelle, des interrogations se posent, par exemple, sur le consentement, être amoureux ou pas, ce qu’on a le droit de faire... Il est important d’avoir des espaces pour en parler. De plus, les enfants vivent dans une société où ils reproduisent ce qu’ils observent, où la dimension stéréotypée des activités commence très tôt. L’école est là pour ouvrir le champ des possibles et faire réfléchir. Il ne s’agit pas d’être dans la prescription normative mais simplement d’accompagner l’enfant dans son développement pour qu’il se sente autorisé à être ce qu’il souhaite.
Comment expliquer les écarts constatés entre prescrit et pratiques ?
Des ambiguïtés demeurent dans les textes où l’interdisciplinarité n’est pas suffisamment développée entraînant flou et incompréhensions. Il y a souvent une méconnaissance du sujet et si de nombreux supports sont disponibles pour les cycles 3 et 4, il y en a peu pour les autres cycles. Le champ biologique est souvent plus investi par les PE car plus familier tandis que les dimensions affectives et juridiques, c’est-à-dire les questions socialement vives, sont davantage laissées de côté. Ces écarts s’expliquent à la fois par un manque de formation initiale et continue, de connaissances et de sensibilisation mais aussi par une représentation biaisée de l’EAS qui n’inclut pas la réalisation de séances en lien avec les stéréotypes de genre, la place des femmes ou encore le consentement. Les représentations sociales influent également. Il n’est pas évident d’aborder les questions affectives et sexuelles car une dimension intime reste présente.
Quelles pistes pédagogiques ?
Dans l’idéal, il faudrait avoir plus de temps de formation initiale et continue, un travail plus approfondi sur la façon dont chaque discipline peut concourir à cet enseignement et des lieux pour échanger sur les pratiques afin de construire un projet sur plusieurs années. Il faudrait travailler l’EAS dans les trois champs sans le restreindre au biologique. Une des premières étapes est de travailler sur les représentations et les terminologies afin que les PE se sentent plus à l’aise et légitimes pour intervenir et mener des séances. La littérature de jeunesse se révèle être un bon support pour aborder différentes problématiques de l’EAS tout comme les débats philosophiques. Amitié, amour, égalité, inégalité... autant de thématiques qui s’inscrivent dans la transversalité et concourent à la construction des élèves dans le temps.