Impacter les comportements

Mis à jour le 30.08.22

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Interview de Anne-Françoise Gibert, médiatrice scientifique

                                         “Les connaissances ne sont pas suffisantes pour impacter les comportements”

Anne-Françoise Gibert, médiatrice scientifique dans l’équipe veille & analyses de l’Ifé-ENS-Lyon

FsC 484 Dossier Ecologie AF Gibert

Comment aborder l'urgence écologique à l'école ? 

La société est embarquée dans cette question mais ne s’empare pas pleinement du sujet et on demande beaucoup à l’école. Lorsque les enseignants travaillent sur l’éducation à la santé, au développement durable ou à la citoyenneté, ils abordent des questions socialement vives qui engagent des savoirs en construction et des valeurs. D’une part, il est complexe d’aborder à la fois les aspects scientifiques et sociétaux. D’autre part, dans le système éducatif français, il y a une déontologie de la neutralité au service de l’émancipation des élèves. Il peut donc y avoir un dilemme pour les enseignants entre cette exigence de neutralité et l’urgence écologique qui suppose des choix contraignants. Cependant, des travaux en histoire des sciences montrent qu’il n’existe pas de savoirs véritablement neutres. Dans quelle mesure cette exigence écologique peut-elle être considérée comme étant en adéquation avec les valeurs de la République ? Enfin, le rôle de l’école est, certes, d’apporter des savoirs, mais aussi de les problématiser et de les contextualiser pour aborder les grandes questions écologiques. 

Quelles sont les connaissances et compétences à transmettre ? 

Certains concepts comme l’énergie sont difficiles à aborder avec les jeunes enfants. Par contre, l’appréhension de la nature permet d’offrir des pistes structurantes et non désespérantes et des possibilités d’études sur le lieu de vie des élèves. Il apparaît également important de transmettre une vision systémique pour avoir une vision circulaire des choses, pour être au-delà du « je prends, je jette ». L’analyse du cycle de vie permet de considérer la consommation autrement, d’envisager des solutions possibles. Les grands cycles de la nature sont une source d’inspiration. La connaissance de la biodiversité animale et végétale alimente l’envie de la protéger. 

Est-ce suffisant pour changer les comportements ? 

Les études montrent que les connaissances ne sont pas suffisantes pour impacter les comportements, l’approche sensible est nécessaire. Les savoirs doivent être alimentés par des sorties et des actions afin de faire des liens. Par exemple, lorsqu’une classe travaille sur les insectes, les enfants peuvent avoir une forme d’appréhension puis, ils peuvent aborder en classe les rôles écosystémiques des insectes dans la préservation des milieux, la production agricole qui elle-même a un rôle dans le tissu économique, qui a un impact sur le bien-être. Des liens d’inter-causalité se mettent en place et la question se complexifie. Grâce à la démarche d’enquête, la mise en dialogue de différentes parties prenantes, le débat pédagogique, les élèves peuvent construire des savoirs et une opinion sur cette question complexe. Ils peuvent se rendre compte que la disparition des insectes est en réalité plurifactorielle et qu’il n’y a pas de solution unique pour leur protection. Les aires terrestres éducatives en sont un bel exemple. Elles permettent d’avoir une réflexion au niveau du territoire, des délibérations et des actions, les élèves sont force de proposition.

QU’EN EST-IL DES ÉMOTIONS ? COMMENT PASSER DE L’ÉCO-ANXIÉTÉ À L’ÉCO-CITOYENNETÉ ?
A-F.G. : Les émotions jouent un rôle dans l’intérêt que peuvent avoir les élèves sur un sujet. Les études montrent que les enfants qui ont été impactés émotionnellement dans leur vécu par des catastrophes sont plus sensibles et vont mieux appréhender les enjeux écologiques. Les enfants plus proches de milieux menacés sont aussi plus conscients de la nécessité de conservation de la biodiversité. Quant à l’éco-anxiété, en tant qu’adultes, nous sommes aussi concernés et ne sommes pas forcément armés pour la prendre en charge. Actuellement, dans l’Éducation nationale, il n’y a pas d’espace pour en parler. Des pistes intéressantes à partir de travaux de géographie sont les séquences pédagogiques autour de la prospective afin que les élèves puissent se projeter dans un futur désirable en élaborant différents scénarios. Il faudrait arriver à travailler avec les parents, les acteurs du territoire pour échanger sur ces scénarios. Enfin, le sentiment d’efficacité personnelle dans l’action peut aussi permettre d’alléger l’éco-anxiété.

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