HERCULE, TU CONNAIS ?

Mis à jour le 30.08.24

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Reportage à Strasbourg et interview de DIEYNÉBOU FOFANA, maîtresse de conférence à l’université Paris-Est-Créteil

À l’école rémoise Blanche Cavarrot dans la Marne, les élèves ont plongé cette année dans la mythologie grecque.

Des flots d’enfants se déversent dans l’Opéra de Reims. Ils sont en terrain connu, toutes et tous sont venus visiter les coulisses de l’étrange bâtisse à la façade néo-classique et intérieur art déco. Ils ont aussi assisté à une représentation du spectacle “Les douze travaux d’Hercule » donnée en avril par la Compagnie lyrique Les Monts du Reuil. Aujourd’hui, c’est à elles et eux de prendre possession du plateau pour la répétition générale du spectacle qui les occupe depuis plusieurs mois.

« Le projet rassemble 275 élèves de trois écoles rémoises en éducation prioritaire – Blanche Cavarrot, Ravel et Galilée – du CP au CM2, choisies par l’Opéra qui leur a proposé le thème d’Hercule, explique Leslie Marques, responsable des relations avec les publics à l’Opéra de Reims. L’établissement culturel, commanditaire et financeur du projet, en a délégué l’organisation au collectif pluridisciplinaire « Plastics Parasites ».

« Les tableaux ont été co-construits avec les classes, précise Julien Royer, metteur en scène et ordonnateur du projet. Chacune a choisi un des travaux d’Hercule et la discipline qu’elle souhaitait travailler : théâtre, danse, jeu d’ombres. Les artistes ont ensuite mené 10 heures d’atelier dans chaque classe ». Les technicien·nes vérifient les derniers éclairages et les micros, puis les 14 musiciens et musiciennes de l’Opéra dans la fosse se lancent dans l’intro musicale du spectacle sous la baguette du chef d’orchestre.

AVEC DES ARTISTES

Depuis plusieurs semaines, les vingt élèves de CM1 de Nathalie Bottin-Harter travaillent avec Marion Duphil, comédienne. Travail collectif sur l’espace pour commencer. « Vous savez ce qu’est un radeau ? », lance l’intervenante. Les réponses fusent.
« Alors on s’imagine sur un radeau, poursuit-elle, on se déplace et tous les espaces doivent être occupés pour ne pas sombrer. À mon signal, il faut équilibrer… Cela permettra aussi à tous les élèves d’être vus par les spectateurs ». La séance se poursuit. « On marche de façon neutre et on entre en contact visuel avec quelqu’un. On décroche et on accroche un autre regard. Et si on donnait un peu plus d’intention… comme le duel ou la provocation. Comme le fait la biche de Cérynie ». C’est ce 4e travail d’Héraclès, Hercule pour les Romains, que les élèves ont choisi. Cette biche, aux cornes d’or et aux sabots d’airain, qui fait courir le héros toute une année avant qu’il ne finisse par la capturer.

« Et comment voyez-vous ce tableau ? », interroge Marion. Les propositions sont nombreuses pour faire croire à une année de chasse, pour rendre l’espièglerie de la biche, la fatigue et la ténacité d’Hercule. Quatre biches qui apparaissent à divers endroits du plateau mais aussi au balcon du théâtre. Deux narratrices et plusieurs Hercule en relais. Des jeux vocaux d’écho ou de duel sont organisés autour de la façon de s’approprier le mot « Hercule ». Les choix musicaux « The eye of the tiger » pour l’échauffement des héros et une musique de cirque pour la course emportent toute la classe. Le porté final de la biche par les élèves va constituer le point d’orgue de la prestation.

“UN PROJET FÉDÉRATEUR DANS L’ÉCOLE”

UN FIL ROUGE

« C’est un projet fédérateur dans l’école », commence Nathalie. Cinq classes y ont pris part. Si chacune a choisi un tableau différent, elles ont toutes participé aux chants, communs aux trois écoles, sous la direction d’Anne-Claire Lemaître, chef de chœur du collectif IO en résidence à l’Opéra. « Cette aventure m’a apporté de la joie et j’ai appris à travailler en équipe », confi e Kubra, élève de la classe. Un projet artistique et culturel est un riche fil conducteur pour l’année scolaire. « Nous avons bien sûr lu « Les douze travaux » mais aussi toutes les semaines un épisode de la mythologie grecque. Les élèves se sont essayés à l’écriture d’un 13e épisode.

En arts plastiques, nous avons aussi pu travailler la mosaïque ou réaliser des créations à partir des personnages du récit, l’hydre de Lerne ou le sanglier d’Erymanthe. En participant à un tel projet, les élèves découvrent le rapport entre la littérature et le texte qui vit. Sur le plateau, beaucoup retrouvent de l’estime de soi » précise-t-elle. Ce que confirme Emmanuela : « Je croyais que je n’aurais pas le courage de monter sur scène. Mais lorsque j’y suis, je me sens fière car j’ai surmonté une épreuve ».

Interview 

DIEYNÉBOU FOFANA, maîtresse de conférence à l’université Paris-Est-Créteil. A co-dirigé
l’étude Pégase*

COMMENT PERMETTRE UNE MEILLEURE APPROPRIATION DES DISPOSITIFS PEAC** PAR LES PE ?

Il importe que les équipes, entre autres les néo-titulaires, s’emparent de ce genre de projets, pas forcément considérés comme prioritaires en début de carrière. Il faut aussi créer une dynamique où l’EAC devienne un fil rouge du projet d’école. En formation initiale, les éléments donnés ne permettent pas d’être sensibilisé aux enjeux de l’EAC ni d’être en mesure de savoir comment le mettre en relation dans le cadre de sa pratique professionnelle. Certaines académies sont mieux dotées que d’autres sur ces questions.

ET FAVORISER UNE PLUS GRANDE ADHÉSION DES ÉLÈVES ?

La plupart du temps, les projets sont co-construits avec les enseignants, les intervenants et les partenaires culturels. Ce qui ressort des questionnaires des élèves autour de leurs pratiques culturelles et de la manière dont ils avaient vécu et perçu les
diff érents projets d’EAC est qu’ils souhaitent être associés à la construction des projets, mais aussi à leur mise en œuvre. Les élèves sont aussi très en demande de sorties dans des espaces culturels. Mais il y a un travail à faire pour qu’ils s’ouvrent à des formes artistiques et culturelles qui ne soient pas que des formes classiques qu’ils ont tendance à plébisciter.

POUR QUELS APPORTS ?

Il est important de comprendre comment les expériences éducatives et les projets spécifiques influencent la dynamique et l’évolution des comportements et attitudes des élèves. Ils évoluent continuellement à travers leurs expériences et interactions. Ceux qui réussissent généralement bien à l’école sont motivés et s’emparent des projets rapidement en capitalisant sur leurs expériences pour renforcer leurs compétences et connaissances. Ceux plus « réfractaires »***, qui montrent une résistance aux méthodes traditionnelles de l’école, souvent liée à des difficultés scolaires ou un éloignement de la forme scolaire, peuvent évoluer vers d’autres catégories lorsqu’ils trouvent des moyens alternatifs de s’engager dans l’apprentissage.

* Programme expérimental sur 5 ans de généralisation des arts à l’école. (Synthèse 2024) ** Projet d’éducation artistique et culturelle.
*** Selon la typologie des élèves de l’étude Pégase.

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