Fin de carrière des PE
Mis à jour le 22.03.23
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Interview de Françoise Lantheaume, sociologue et professeur des universités
Françoise Lantheaume est sociologue, professeure des universités en sciences de l'éducation à l'université Lyon 2
Qu'éprouvent les PE en fin de carrière ?
Au-delà de la cinquantaine, les PE ressentent l’usure d’un métier de relations, avec une dimension physique marquée en maternelle. En fin de carrière, ils partagent l’expérience de l’accumulation de réformes. Réalisée sans leur assentiment, cette accumulation produit un effet délétère de désabusement car l’impression domine qu’elle ne les a pas aidés à mieux travailler, à répondre aux difficultés liées à l’évolution du public, des élèves et des parents. Une pression renforcée se traduit par des tâches plus nombreuses et complexes, en plus des attentes élevées des familles, le tout dans des environnements de travail pas toujours adaptés. Enfin, ils éprouvent le sentiment que la fin ne cesse de reculer.
Comment préserver leur santé au travail ?
Les PE qui préservent le mieux leur intérêt pour le travail et donc leur santé bénéficient du soutien d’un collectif de travail. Ce sont ceux qui se créent des marges d’autonomie, développent une distance critique à l’égard des injonctions. Ils savent que travailler, ce n’est pas appliquer la règle, mais l’adapter et l’interpréter. Une injonction n’a de sens que si on en fait quelque chose d’intelligent par rapport à son public, à ses conditions d’exercice, à son environnement. Les enseignants heureux en fin de carrière trouvent des ressources, non dans l’institution, mais dans la proximité avec des collègues et dans des activités, syndicales, politiques, associatives ou de loisirs, qui leur permettent de maintenir un équilibre entre engagement professionnel et vie personnelle. Enfin, ils se lancent des micro-défis, à une échelle modeste, pour rendre le métier vivant, sans s’y épuiser parce qu’ils ont aussi besoin de lever le pied.
Quelles seraient les conséquences d'un allongement de la carrière ?
Les difficultés s’en trouveraient accrues, en matière d’usure au travail. Les législateurs devraient tous passer une journée de classe à l’école pour se faire une idée de l’enseignement à un nombre élevé d’élèves, avec des injonctions à l’individualisation des apprentissages mais aussi de toutes les dimensions du métier hors la classe. Pour les enseignants, l’allongement de la carrière correspond à un risque d’augmenter leurs problèmes de santé au travail mais c’est aussi un nouveau signe de manque de reconnaissance de leur métier.