“Fake news : sur l’école aussi”

Mis à jour le 25.03.19

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Le sociologue Pierre Merle aborde ces fausses informations qui attaquent l'école

Pourquoi avoir travaillé sur cette thématique ? 

Pierre Merle : Je suis sociologue de l’école. À ce titre, je souhaite la réussite de tous les élèves mais aussi que l’école assure au mieux toutes ses missions d’éducation et d’instruction. Ce n’est pas vraiment le cas en France pour de multiples raisons. Les fake news scolaires en sont une, elles diffusent de façon continue des idées discutables, voire totalement fausses. Le développement des réseaux sociaux a débouché sur une révolution des modes de communication. Avec l’élargissement de l’offre d’informations, la concurrence entre les différents médias s’accroît. Chaque média essaie de faire le buzz pour conserver les internautes nécessaires à sa survie. Les fake news y participent. Elles concernent les questions politiques mais aussi les informations sur le climat, la biodiversité… et évidemment, les politiques scolaires. Par exemple, les ABCD de l’égalité ont été présentés de façon scandaleuse pour éviter la progression de l’égalité hommes femmes.

Quels sont les objectifs poursuivis par les lanceurs de fake news ?

P.M. : Celles et ceux qui fabriquent des fake news le font essentiellement pour des motifs économiques et, ou, politiques. Ils sont le plus souvent au service de l’ordre établi. Contrairement aux apparences, il en est de même des théories complotistes qui ne s’opposent pas réellement aux catégories dominantes. Dans mon ouvrage, j’ai étudié plusieurs polémiques scolaires, tels que les pratiques d’évaluation, le redoublement et le niveau scolaire. À chaque fois, les thèses défendues par une certaine presse, telle que Le Figaro, Le Point, Valeurs Actuelles, sont conservatrices et en contradiction avec les connaissances scientifiques. Il est par exemple faux de dire que les notes sont indispensables aux élèves ou que les problèmes de l’école viennent de la suppression du redoublement. Les objectifs poursuivis par la presse conservatrice sont l’immobilisme scolaire, voire le retour en arrière, alors même que l’école française est particulièrement inégalitaire.

“Il faut une éducation ouverte sur les problèmes contemporains, indispensable
à la formation du citoyen. Cette orientation semble absente des préoccupations
du ministère ”

L’apprentissage de la lecture fait-elle aussi l’objet de fake news ? 

P.M. : Tout à fait. En 2018, J.-M. Blanquer assurait : « Entre quelque chose qui ne marche pas – la méthode globale – et quelque chose qui fonctionne – la syllabique –, il ne peut y avoir de “compromis” mixte ». Par sa simplification, ce propos relève de la fake news. La méthode syllabique est inventée au XVe siècle. À l’époque, les écoliers devaient apprendre par cœur, à l’aide d’un petit fascicule – le syllabaire, l’ensemble des correspondances graphèmes phonèmes. La méthode était terriblement ennuyeuse. Quant à la méthode globale, elle n’a pas été diffusée en France par les « pédagogistes soixante-huitards », tant décriés par la presse conservatrice, mais par un inspecteur de l’Éducation nationale, Jean Foucambert. Ce sont des chercheurs en sciences de l’éducation, objets de critiques incessantes par des pseudo-intellectuels, qui ont montré que la méthode globale favorisait l’échec scolaire des élèves faibles. Il est désormais acquis que si l’apprentissage des correspondances graphèmes phonèmes (CGP) est incontournable, spécifiquement au début du CP, les élèves doivent aussi maîtriser les correspondances grapho-sémantiques. La méthode la plus efficace est donc mixte avec une forte prédominance des CGP.

Comment lutter contre leur propagation ? 

P.M. : Une loi contre les fake news est une mauvaise idée. Soit elle sera inefficace, soit elle risque d’être liberticide. Vérifier les faits est nécessaire mais pas suffisant. Une solution incontournable est la promotion d’une éducation qui concilie les apprentissages de base et la capacité des élèves à construire des raisonnements critiques à l’égard de l’information. Il faut donc une éducation ouverte sur les problèmes contemporains, indispensable à la formation du citoyen. Cette orientation semble absente des préoccupations du ministère. 

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