Elections, un jeu d'enfants ?
Mis à jour le 19.04.22
min de lecture
Reportage dans l'Indre où on profite des élections présidentielles pour parler démocratie.
Les élections sont l’occasion de travailler les différentes instances démocratiques dans le CE2/CM1 de l’école Arago à Châteauroux (Indre).
Malgré le devoir de neutralité auquel sont astreints les PE, l’élection présidentielle est étudiée dans bon nombre de classes. Pas sous le prisme des contenus politiques des différents partis mais sous celui, plus académique, de la connaissance de notre système démocratique. C’est le cas de la classe de CE2/CM1 d’Aurélie Malassenet à l’école Arago de Châteauroux (Indre). Dans cette petite école d’application, nichée entre Canopé et l’INSPE, les trois classes de l’élémentaire travaillent ensemble. Tout particulièrement les deux enseignantes de cycle 3. Toutes deux maîtresses formatrices (PEMF), Aurélie Malassenet et Lydie Renaud redoublent d’imagination lorsqu’il s’agit de construire des séances d’apprentissage qu’elles n’hésitent pas à partager sur un blog qu’elles tiennent conjointement (voir ci-contre). Pour ces PE, l’actualité est l’occasion d’aborder des thématiques du programme. « Cela rend les apprentissages plus tangibles, explique Aurélie. L’élection présidentielle permet d’aborder les différentes institutions françaises et le rôle du président ».
« À quoi sert le président de la République ? ». Chaque enfant dispose de cinq minutes pour répondre à la question. Installés, ensuite, en groupes de 4/5 élèves, ils confrontent leurs représentations afin de proposer une réponse collective. « Le président, il sert à représenter son peuple », s’exclame Baptiste. La séance est vivante, on sent les élèves habitués à ce type d’exercice.
« On a des élèves très curieux, explique Aurélie, qui s’intéressent à tout, qui s’interrogent très souvent sur l’actualité, on n’aurait pas pu éviter la question des élections. C’est très bien qu’ils aient un espace de parole et de compréhension au sein de l’école ». La trace écrite, construite par la suite collectivement, est l’occasion d’aborder les différents rôles du président. « Au service de tous les Français, le président signe les lois, les fait appliquer, il nomme le Premier ministre et contribue à la formation du gouvernement. Il protège les Français et à ce titre est le chef des armées et de la diplomatie ». Ces dernières fonctions du locataire de l’Élysée intriguent.
« Pourquoi tous les chefs d’État ne font pas une alliance mondiale pour arrêter de se faire la guerre ? », interroge Rosalie, « ben, c’est pas si simple », lui rétorque Liam. « Est-ce qu’on a un ambassadeur en Ukraine ? Est-ce lui qui décide qu’on donne des armes à l’Ukraine ? ». Pas toujours évident pour l’enseignante de répondre à toutes leurs questions, mais elle tente tant bien que mal d’expliquer en quoi consiste la fonction présidentielle et quelles en sont les limites dans une démocratie.
Vivre le processus électoral
La question de l’organisation des élections est abordée après, « mais très rapidement car ils sont au fait du processus électoral », explique l’enseignante… Les élections des délégués, à l’école Arago, c’est du sérieux ! Elles sont organisées en même temps que les élections de parents d’élèves. Isoloir et urne restent dans l’école le temps des élections des délégués. Les enseignantes impriment liste électorale, liste d’émargement et bulletins de vote… toute la panoplie des « vraies » élections. Après avoir déclaré leur candidature, les enfants réfléchissent à un programme et rédigent une profession de foi qu’ils présentent à leurs camarades. Les autres élèves peuvent s’engager au côté de l’un de leur camarade. Le jour de l’élection, chaque élève, sa carte électorale – où figure son numéro d’électeur – à la main, se présente au bureau électoral tenu par trois élèves non candidats. Il insère un bulletin de vote de l’enfant qui l’a le plus convaincu – ou dont il est le plus copain… – dans la petite enveloppe. Vient, ensuite, le moment de laisser glisser celle-ci dans l’urne, après avoir présenté sa carte électorale et signé le registre. Moment solennel où tout le travail autour de la question du rôle citoyen de chacun et de la compréhension du processus électoral prennent sens. « Ce n’est pas juste de ne pas pouvoir voter à la présidentielle », s’exclame Liam car pour les élèves de l’école Arago, l’élection présidentielle, cela semble être un jeu d’enfant !
CÉLINE CHAUVIGNÉ Maîtresse de conférence en sciences de l’éducation à l’université de Nantes
La démocratie, cela s'enseigne ?
L’école n’est pas à proprement dit un lieu démocratique par sa structure où les rôles de chacun sont codifiés et hiérarchisés avec un rapport asymétrique entre les adultes et les élèves. Toutefois, à l’intérieur de l’école, au-delà de la forme scolaire traditionnelle, on peut envisager la démocratie comme un mode de vie qui s’appuierait sur l’expérimentation. Bien souvent, cette dernière se réfère aux mouvements d’Éducation nouvelle avec l’idée qu’expérimenter la vie démocratique permettrait de donner envie d’apprendre, de contribuer à apprendre mais aussi de prendre part à la vie dans l’établissement. L’expérience démocratique à l’école est donc une expérience à la fois vue comme un moyen et comme une fin.
Qu'est-ce que cela t'apporte ?
En soit, la participation démocratique des élèves est une méthode active qui amène effectivement à moins de réceptivité passive ou de soumission - dans le sens d’obéissance docile -de leur part. Mais cela dépend de la façon dont cette méthode est appliquée. Si effectivement, on l’emploie pour que l’élève murisse, grandisse, pour l’emmener à prendre part au collectif en affirmant des positions, on est dans une visée émancipatrice. S’il s’agit simplement d’avoir un consensus et que les élèves soient obéissants à une conduite dictée, l’expérimentation est loin d’être concluante.
Quels enjeux ?
Les enjeux sont capitaux face aux défis actuels de notre société, de ce qui s’y passe en termes d’individualisme et de délitement du lien social. Au niveau de l’école, il est de notre responsabilité de leur offrir un certain nombre de projets, d’interactions, de propositions didactiques qui les amènent à s’épanouir et à développer des capabilités, des aptitudes, des ressources pour vivre et participer à la société de demain.
LA TROUSSE DES MAÎTRESSES
La trousse des maîtresses est un blog tenu par deux PEMF. Mine d’or d’outils pédagogiques pour les jeunes et les moins jeunes PE, une séquence complète sur comment aborder les élections avec les élèves y est disponible. Alternant supports papiers, numériques et vidéos, les ressources permettent de travailler sur le rôle du président, les symboles liés à la fonction, l’histoire de la présidence française et de la Ve République, le processus électoral… De quoi mêler enseignement de l’histoire et de l’EMC de façon cohérente.
ABSTENTION DES JEUNES
47 % des 18/24 ans affirment qu’ils s’abstiendront à la future élection présidentielle, un taux alarmant qui en dit long sur l’intérêt de cette génération. Phénomène de désintérêt ou manque de projection dans les différentes candidatures, l’enjeu est de taille. Une étude menée par Harris interactive pour « Challenge » auprès des Français•es de 16 à 25 ans a toutefois montré un réel intérêt pour les questions de santé (36 %), d’emploi (33 %), d’égalité entre les hommes et les femmes (27 %) et de lutte contre les inégalités (27 %). Afin de lutter contre l’abstention, peut-être faut-il habituer les enfants dès leur plus jeune âge aux pratiques démocratiques ?