Égalité filles-garçons

Mis à jour le 11.12.17

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L’école a un rôle à jouer pour déconstruire des stéréotypes dont ne sortent indemnes ni les filles, ni les garçons.

Le chef de l’État a déclaré l’égalité entre les femmes et les hommes, grande, cause nationale sans pour autant annoncer de moyens nouveaux pour y parvenir. Depuis les révélations concernant Harvey Weinstein, les plaintes et témoignages se multiplient sur les agressions sexuelles et le harcèlement dont sont victimes les femmes. En France, on a déploré le meurtre de 123 femmes en 2016, tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Pour le ministre de l’Éducation « respecter autrui c’est fondamental, et cela englobe évidemment la question de la relation entre les garçons et les filles. Et c’est dès l’école qu’on apprend à se respecter. » Certes, du respect il en faut entre les individus, quel que soit leur sexe, à l’école comme ailleurs, mais ce que révèlent les faits divers mis à jour ces dernières semaines dénote surtout d’un esprit de domination. Une domination masculine qui se manifeste dans nombre de domaines de manière parfois plus diffuse. Pour lutter contre les inégalités entre les deux sexes, le respect ne suffit pas, le respect, ce n’est pas l’égalité.

Danse

Un écart de salaire de 22,8% #

Dans une de ses dernières études, l’Observatoire des inégalités notait un écart de salaire moyen de 448 euros entre les femmes et les hommes, soit 22,8% de différence. En raison des contraintes familiales qu’elles supportent davantage que leur conjoint, 72% des femmes ont un emploi, dont un tiers à temps partiel, tandis que 85% des pères sont au travail dont seulement 4% à temps partiel,
selon l’Insee. On pourrait encore parler de la proportion de femmes dans les instances hiérarchiques, y compris à l’Éducation nationale. Dans le premier degré elles représentent 82% des enseignants, mais seulement 37,7 % de l’encadrement supérieur selon un rapport de l’Inspection générale du mois de mars. Le fameux plafond de verre semble encore bien haut et les stéréotypes bien difficiles à bousculer. Chez l’enfant, les stéréotypes de genre commencent à s’installer bien avant d’arriver à l’école. Dès le berceau
apparaissent des signes distinctifs. Pour forcer le trait, le rose et des poupées pour les unes, le bleu et les petites voitures pour les autres… Très tôt l’enfant baigne dans un environnement culturel qui n’est pas neutre. L’anthropologue Françoise Héritier qui parlait de « modèle archaïque dominant », insistait justement sur la construction culturelle de ce rapport de domination. Rien d’étonnant
à ce que ces stéréotypes restent présents à l’école.

Filles et garçons, toutes et tous concernés
#

« Les garçons apprennent à s’exprimer, à s’affirmer, à contester l’autorité ; les filles à prendre moins de place physiquement et intellectuellement, à être moins valorisées. L’institutionnalisation de ces hiérarchies par l’école rejoint la discrimination sociale
», assure la docteure en sciences de l’éducation Johanna Dagorn. Pourtant, il ne devrait pas en être ainsi. La convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif signée en 2013 fixait comme objectif de « créer les conditions pour que l’école porte à tous les niveaux le message de l’égalité entre les filles et les garçons et participe à modifier la division sexuée des rôles dans la société. » Dans un hors-série de Fenêtres sur cours en 2013, Réjane Sénac, chercheure au Cevipof de
Sciences-po Paris, soulignait « que l’école est une instance de socialisation centrale, mais qui s’inscrit dans un système comprenant un entremêlement d’acteurs et de normes - familiale, politique, économique, médiatique... ». Une question complexe donc que l’école seule ne saurait résoudre. Elle peut toutefois y contribuer. Quand on parle des inégalités, on pense surtout aux filles. Mais il ne faut pas croire que les garçons se sortent indemnes de leurs comportements stéréotypés. Poussés, semble-t-il, à l’agitation, aux débordements, à l’affirmation par la violence et la révolte, ce sont eux qui fournissent les bataillons des décrocheurs, des exclus du système scolaire, des orientés précoces dans les filières courtes. Souvent, ils sont issus des milieux populaires. Pour la docteur en sciences de l’éducation Sylvie Ayrai, il est temps d’ « arrêter de valoriser chez eux la performance et la mise à distance des émotions
pour favoriser l’expression individuelle et la sollicitude. Avec des débats philo par exemple, guidés par des personnels formés. Il y a urgence à penser l’éducation des garçons dans une perspective féministe d’égalité des droits
».

Enseigner l’égalité, ça s’apprend #

Déconstruire les stéréotypes de genre à l’école, toutes et tous les élèves ont donc à y gagner. Cela s’apprend, demande de la formation pour les enseignants qui parfois se situent sans y prêter attention dans une logique de reproduction des inégalités.
Quand les interactions avec les garçons sont plus nombreuses et fréquentes qu’avec les filles par exemple. « On s’est questionné
sur tout ce que nous véhiculions au quotidien, dans les demandes faites aux élèves, dans les manières de nous adresser à eux ou encore dans la systématisation de l’appel aux mamans lorsqu’il y avait un enfant malade
», témoigne la directrice de l’école
Romain Roland à Évreux qui jusqu’à leur abandon, s’appuyait sur les « ABCD de l’égalité ». À l’école Mouraud à Paris, les stéréotypes sont remis en cause par des activités spécifiques, des débats réglés. « Mais l’essentiel se joue à chaque moment de la vie de l’école.
Cela suppose une prise de conscience et une vigilance des enseignants et de tous les intervenants et ce n’est pas si simple
», confie la directrice Colette Coffin. Malgré ces obstacles, toutes et tous en sont convaincus, apprendre l’égalité c’est gagnante-gagnant.

Le dossier est consultable ici.

Des "ABCD de l'égalité au respect d'autrui #

Après l’annonce d’Emmanuel Macron le 25 novembre de décréter l’égalité entre les sexes « grande cause du quinquennat », on pouvait s’attendre à ce qu’elle soit suivie d’actes forts. Il n’en est rien. Pour Jean-Michel Blanquer, l’apprentissage du « respect d’autrui » et la sensibilisation des parents « réunis en petits groupes en début d’année » et « une mallette des parents » seraient suffisants. Suffisants pour balayer des décennies de préjugés et de constructions sociales ? Suffisants pour que la différence des sexes ne justifie plus leur hiérarchie ? C’est au plus tôt et à l’école que l’éducation à l’égalité doit se mener avant tout. C’est ce
qu’avaient tenté de faire les ABCD de l’égalité, dispositif pédagogique de lutte contre les inégalités, de réussite scolaire et d’orientation notamment, entre les filles et les garçons. Il remettait en question les normes qui font que chaque sexe adopte, dès le plus jeune âge, un certain comportement. Après une expérimentation prometteuse dans une dizaine d’académies, sous des pressions réactionnaires, le gouvernement précédent y avait finalement renoncé alors même que l’égalité filles-garçons était inscrite dans la loi de Refondation. Pour le SNUipp-FSU, il est indispensable de rétablir ce type de dispositif.

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