École, écologie : urgence !

Mis à jour le 03.12.19

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Comment former des citoyens et citoyennes capables de mener la transition écologique ?

Finalement, c’est à bon compte que le ministre de l’Éducation nationale veut développer l’éducation au développement durable (EDD) à l’école. Fin août, dans le cadre bucolique des jardins de la rue de Grenelle, il a annoncé huit préconisations, dont quatre concernent le primaire. La plus emblématique d’entre elles, consiste à « faire de chaque école et établissement un lieu ouvert à des activités liées à la biodiversité (potagers, plantation d’arbres, nichoirs, compost, etc.) » Le moins que l’on puisse dire est que ce type de mesure n’est pas de nature à grever le budget de l’Éducation nationale d’autant que si elle a un coût, comme la mise à disposition d’une parcelle foncière pour un jardin, c’est sur les collectivités qu’il rejaillira. Elle n’est pas de nature non plus à donner des clefs de compréhension aux élèves sur les enjeux climatiques, à leur permettre d’exercer leur esprit critique. 

développement durable©Millerand/NAJA

Certes, en tant que lieu de vie, l’école peut donner à vivre aux enfants des expériences concrètes qui les sensibiliseront aux éco-gestes. Mais la planète est engagée dans une course contre la montre pour éviter ou au moins tenter de limiter l’ampleur de la catastrophe annoncée. Avec la jeune Suédoise Greta Thunberg, des millions de jeunes le crient tous les vendredis à travers le monde. C’est sans doute sur cette vague qu’a voulu surfer le ministre en août, mais ses mesurettes restent loin du compte. L’heure n’est plus à promouvoir un modèle de développement durable qui préserve les modes de production et modèles économiques actuels, mais à engager la société dans une transformation plus radicale, celle de la transition énergétique.

Repenser la mission de transmission des savoirs

La prise de conscience du rôle que doit jouer l’école dans ce domaine n’est pas nouvelle. Elle aura été progressive comme l’atteste la lente évolution des programmes depuis 1977. La forme la plus aboutie est détaillée dans ceux de 2015. Aujourd’hui le ministre propose de manière assez vague d’« enrichir » les programmes du primaire, c’est bien loin, là encore, des enjeux auxquels est confrontée la planète. Au contraire, son annonce est un rendez-vous manqué. Il faut un certain délai entre l’apparition d’une question sociétale nouvelle et sa traduction dans les programmes scolaires. Aujourd’hui, ne faudrait-il pas remettre en réflexion les programmes sur ce sujet précis ?

« La mission de transmission des savoirs de l’école doit être repensée pour préparer les jeunes générations à quelque chose que l’on sait inévitable », prévient Ange Ansour la co-fondatrice des Savanturiers, centre de recherche interdisciplinaire. Son observation en entraîne une autre : c’est aux enseignantes et enseignants que revient le rôle d’assurer cette mission. « L’important est d’amener les élèves à reconnaître que nos sociétés ont fait et font en permanence des choix, et de montrer aussi que d’autres choix sont possibles. Il s’agit d’aider à comprendre les contextes particuliers dans lesquels des orientations sont choisies, de mesurer les moyens d’action dont on dispose pour renouveler ou réajuster ces choix », explique Olivier Morin, didacticien des sciences et du développement durable. « Ceci va bien au-delà de la sensibilisation à l’environnement ou de l’incitation aux « éco-gestes » ». Mais ce n’est pas si simple quand la formation n’est pas au rendez-vous.

« L’important pour les enseignants est d’amener les élèves à reconnaître que nos sociétés ont fait, et font en permanence des choix,
et de montrer aussi que d’autres choix sont possibles. »

À l’école aussi

Ceci dit, les PE citoyennes et citoyens comme tout le monde savent faire preuve d’engagement. Beaucoup ont inscrit l’EDD au cœur de leur projet de classe ou d’école comme Floriane Guilbart à Troyes pour qui cet enseignement est de toutes les matières. L’équipe de l’école de la Saïda à Paris partage un même investissement. Mais elle est servie en plus par un bâti scolaire rénové, aux normes HQE, dessiné et aménagé en concertation avec l'équipe enseignante et les élèves. La question du bâti ne compte pas pour du beurre dans l’EDD. Elle est de nature à participer pleinement au développement du projet d’école. Mais évoquer les constructions scolaires c’est convoquer d’autres partenaires incontournables, les communes. Si toutes ne s’investissent pas pareillement dans leur école, que fait l’État pour les accompagner ? Le ministre a beau jeu de préconiser d’ « engager les écoles et établissements dans une démarche de développement durable globale ». Il n’annonce pas pour autant de mesures en faveur du bâti scolaire. 

À l’heure de l’urgence climatique, il semble bien que l’institution ait encore du chemin à parcourir. « Éduquer en vue d’une transition écologique est souvent présenté comme “l’une des priorités”, comme l’a fait Jean-Michel Blanquer lors de sa conférence de presse de rentrée. Dans la réalité, cette priorité écologique est vite diluée dans un projet éducatif orienté vers le lire, écrire, compter, manier le numérique », souligne le chercheur en sciences de l’environnement Daniel Curnier. Plus que jamais, la transition énergétique, c’est aussi pour l’école.

En juin dernier, la rue de Grenelle annonçait huit mesures destinées à muscler sa politique en matière d’éducation au développement durable, quatre d’entre elles concernant directement le primaire : mener au sein des écoles une « action pérenne en faveur de la biodiversité », engager les écoles dans une démarche globale de développement durable, renforcer les programmes sur ces sujets et organiser un concours annuel École verte 2030. Ces mesures ne manquent certes pas d’intérêt, mais comment les mettre en œuvre ? On ne verdit pas les écoles sans une participation active des pouvoirs publics en matière de bâti éco-responsable, pas plus qu’on ne conduit des actions en matière de biodiversité sans de solides partenariats avec le monde associatif. Quant à de nouveaux ajustements aux programmes, on attend d’en connaitre le contenu. Ils nécessiteront sans doute de la formation, sauf à considérer qu’un nouveau guide, vert celui-ci, pourrait en tenir lieu…

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