Direction d'école

Mis à jour le 28.10.23

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Reportage à Lagny-sur-Marne où direction rime avec animation

Sous l’impulsion bienveillante de la directrice, les enseignantes des Heurteaux à Lagny-sur Marne (Seine-et-Marne)investissent une  dynamique pédagogique à l’échelle de l’école.

« Concernant le contenu des ateliers, tout est bon ? », « encore deux ou trois idées que vous avez envie de partager ? »… Qu’il s’agisse de finaliser l’organisation des « olympiades » ou de mutualiser les jeux collectifs mis en œuvre dans chacune des sept classes, Gwenaëlle Chandard, directrice de l’école élémentaire des Heurteaux à Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne), « toujours à la recherche du consensus dans la prise de décisions », veille à ce que les conclusions du conseil des maîtresses reçoivent l’assentiment de toutes les adjointes. L’ordre du jour de ce conseil, qui a tout d’une instance de délibération collective, n’est d’ailleurs pas nourri des seules propositions de Gwenaëlle, qui « évite de monopoliser la parole car toutes les collègues sont des points d’appui ». À leur tour, Nelly Cadot (CP/CE1) et Alexandra Moncorgé (CM1/ CM2) exposent leur expérience en matière d’animation d’un « atelier philo », puis d’une séance visant à travailler l’empathie et l’expression des émotions. Sans jamais s’égarer en conversations à bâtons rompus, les discussions s’animent sur les règles de prise de parole, la façon d’intervenir sur la correction des paroles d’élèves avec la préoccupation partagée « de ne pas bloquer la pensée » ou sur la forme la plus pertinente que devraient prendre les traces écrites. Au fur et à mesure des échanges, la directrice, « maîtresse du temps », renseigne en direct sur le tableau numérique un relevé de conclusions, partagé en ligne. Cette transcription d’actions pédagogiques à réaliser peut alors constituer la feuille de route commune à l’équipe.

Co-construction

Dans cette école au cœur de l’Île-de-France pavillonnaire, qui accueille un « public plutôt favorisé », Gwenaëlle effectue sa troisième rentrée en tant que directrice après y avoir officié comme adjointe pendant une dizaine d’années. Sans jamais s’être « projetée dans la fonction avant de la découvrir », elle conçoit celle-ci comme la garante d’un cadre de travail collaboratif qui va bien au-delà de conseils animés et participatifs. Une solide structuration des enseignements par cycle s’articule, en effet, autour de décloisonnements
continus de classe pour dégager des temps de travail en groupes de besoins, « jamais figés ». Le partage en ligne d’un cahier journal consigne le fruit du travail de préparation collaboratif formalisé par au moins un conseil de cycle hebdomadaire, « dans une école à taille humaine où on échange tous les midis ». Karine Senouillet (CE1-CE2) apprécie particulièrement cette « co-construction » des gestes professionnels « quand chacune apporte quelque chose qui permet de se remettre en cause et d’apprendre des autres ». Chabha Yahiaoui, enseignante de CP, confirme : « Échanger enrichit la pratique et ouvre des horizons, ça motive énormément ». Dans cette dynamique collective qui fait dire à Sabrine, en CE1/CE2, qu’« ici, il y vraiment une dimension d’école plus que de classes », la jeune directrice estime qu’il lui revient de « faire du lien entre tous ». Pour ce faire, nulle « envie de contraindre, il faut construire ensemble. De la même manière qu’en classe, on associe les élèves à la rédaction des règles de vie, si le fonctionnement n’est pas partagé par l’équipe, ça ne marche pas ».

Enseignante aussi

Avec au cœur du métier, « le bien-être des élèves, des enseignantes, du personnel », jusqu’à alimenter en eau citronnée le réfrigérateur de la salle des maîtresses pendant la canicule…, mais avec la conscience que la convivialité n’est pas aussi essentielle « qu’une même vision du métier ». À l’impulsion d’une directrice soucieuse « d’être à l'écoute, de "comment amener les choses pour qu'elles  soient comprises, aient du sens et que les réunions ne soient pas une perte de temps, répond en écho l'implication de l'équipe. Sabrina apprécie la façon « dont la directrice est toujours force de propositions et comme c’est présenté avec enthousiasme, ça donne envie d’adhérer ! ». Un savoir-faire en matière de direction auquel la pratique pédagogique n’est pas étrangère selon Karine : « La dynamique insufflée par la direction, c’est tout faire pour qu’on se sente bien. Elle se plie en deux pour nous, devance nos besoins. On rend donc ce qu’on reçoit. Et comme elle est enseignante, elle sait ce qu’elle peut nous demander, c’est toujours adapté ». L’adaptation de la charge de travail, Gwenaëlle aimerait en bénéficier elle-même quand "il faut faire la direction", renseigner ONDE - outil numérique pour la direction d'école - remplir des tableaux, remplir des plannings. Si elle apprécie avoir accédé au tiers de décharge à la rentrée 2022, elle constate "ne pas manquer de temps, si je prends sur mon temps personnel ». Face à la frustration « d’avoir plein d’idées mais pas assez de temps », elle aimerait pouvoir recourir « à la magie du post’it » en déléguant à une aide administrative l’actualité du moment qu’est par exemple la préparation du matériel des élections de parents d’élèves. Pour continuer de conjuguer l’école au pluriel, « je propose… elles proposent aussi ».

 "Toujours à la recherche du consensus dans la prise de décisions" 

Vers l'isolement ?
Loin d'éclaircir les concepts indéfinie "d'autorité fonctionnelle" et de « délégation de compétences de l’autorité académique » de la loi Rilhac, les décrets publiés cultivant le flou. Tout en instaurant un rythme d’évaluations et d’avancement particulier, ils remettent le couvert sur « l’autorité [exercée] sur l’ensemble des personnes présentes dans l’école pendant le temps scolaire ». La rédaction nébuleuse se garde bien de préciser si « l’ensemble » inclut l’équipe enseignante. Fondamentalement, les décrets Rilhac modifient
peu le décret de 1989 cadrant les missions de la direction. Le rapport non hiérarchique au sein de l’école est maintenu, sous l’autorité de l’IEN, premier échelon hiérarchique des PE. De nouveaux dispositifs introduisent, cependant, des confusions : l’instauration ex nihilo « d’un conseil des directeurs » par le « plan maternelle », la répartition « en lien avec l’IEN » des « missions » du « pacte », l’extension du champ des sorties scolaires autorisées par la direction ou les mesures de « suspension conservatoire » de la scolarité d’un élève présumé « harceleur ». Loin de donner la formation, le temps, les aides humaines et le soutien nécessaires aux directeurs et directrices pour impulser avec l’équipe un fonctionnement d’école propice à la réussite de tous les élèves, ces mesures les isolent toujours, en empilant tâches et responsabilités.

Cécile Roaux est chercheure en sciences de l’éducation et auteure de « La direction d’école à l’heure du management. Une sociologie du pouvoir », PUF, 2021.

FsC 493 Direction d'école Cécile Roaux

Quels leviers pour créer les conditions d'un travail collectif ? 

Distinguons d’emblée le travail collectif autour d’un projet commun du collectif de travail qui consiste à instaurer de la confiance, de l’écoute, du partage. Dans les écoles, se développe plus souvent le collectif affinitaire qu’un collectif de travail où chacun dévoile son activité dans la classe et les difficultés rencontrées. Pour y parvenir, il n’y a pas de « bonne pratique ». Le processus de médiation mis en place dans une école pourra ne pas fonctionner ailleurs. Les stratégies de relation à l’équipe dépendent de la compréhension de la
façon d’agir des personnels, de ce qui est négociable pour établir les règles du jeu ensemble. Ce travail requiert du temps, des outils d’analyse, un effort de raisonnement important pour que tout le monde trouve intérêt à coopérer. 

Des obstacles ? 

Penser qu’il suffit de dire « il faut coopérer » en s’appuyant sur des règles, des textes ou des procédures décontextualisées produit
en général l’effet inverse : le repli dans la classe. La formation de base reste fondée sur la course individuelle à la méritocratie. « L’individualisme » enseignant qui peut en résulter exprime une volonté de préserver son autonomie. L’enjeu est de transformer cette liberté pédagogique en liberté pédagogique d’école. Or, l’organisation en « boîte à œufs » y fait obstacle, de même qu’un cadre de travail peu capacitant, le renforcement d’une bureaucratie de contrôle et la déconsidération pour le travail d’animation.

Faire fonctionner un collectif, ça s'apprend ? 

Oui, comprendre les raisons des résistances, non pas tant au changement mais à la manière de le conduire est essentiel. C’est donc
une affaire de formation pour utiliser des outils de la sociologie des organisations, ne pas confondre symptômes et causes des difficultés, établir un diagnostic pour agir sur un élément du contexte susceptible de faire évoluer les comportements. Pour ce faire, formations descendantes, statut ou « autorité » ne résolvent rien, si ce n’est créer des obligations d’avoir à rendre des comptes.

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