Développement durable
Mis à jour le 30.08.24
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Quatre nouveaux domaines dans une note du Conseil supérieur des programmes (CSP).
DÉVELOPPEMENT DURABLE, NOUVEAUX REPÈRES
L’éducation au développement durable étendue à celle de la transition énergétique fait l’objet de nouvelles mesures. Quatre nouveaux domaines sont présentés dans une note du Conseil supérieur des programmes (CSP).
Augmentée du thème de la transition énergétique, l’Éducation au développement durable (EDD) prend désormais en compte l’éducation des jeunes au changement. Elle se présente sous forme de 20 mesures à mettre en œuvre pour la transition écologique à l’école, dont la première est, dès la rentrée 2023, de publier un référentiel de compétences relatif à la transition écologique. La note du CSP de mars 2023 fixe cet objectif. Elle précise que l’EDD « s’intègre à la fois dans l’ensemble des programmes scolaires et dans les projets des écoles, sur une approche globale, pluridisciplinaire et systémique qui permet l’intégration des quatre piliers du développement durable (environnement, économie, société et culture) ». L’EDD ne se situe pas seulement dans le champ des sciences telles qu’on se les représente. Déjà dans les programmes de 2015, c’était la géographie qui structurait l’EDD en amenant les élèves à réfléchir sur les choix de société pour vivre dans un monde soutenable, comme la conception d’un éco-quartier.
Faire preuve d'esprit critique
Le référentiel présenté dans la note de 2023 s’organise en quatre domaines : « s’ouvrir à la complexité des thématiques de développement durable », « faire preuve d’esprit critique pour appréhender les problématiques de développement durable », « adopter un comportement éthique et responsable vis-à-vis de l’environnement et des sociétés humaines », « agir individuellement et collectivement pour construire un monde durable ». Ces domaines favorisent une organisation en projet qui motive à apprendre et donne du sens à ce que les élèves font. Une alternative à un resserrement sur les fondamentaux. La formation à l’esprit critique rappelle l’importance de l’éclairage des sciences humaines et sociales. Ainsi, par le biais des ateliers philo ou débats argumentés, les élèves peuvent réfléchir sur des grandes questions de société en développant la coopération intellectuelle. La recherche de l’engagement des élèves se situe dans la continuité du renforcement des programmes de 2020, notamment en mettant l’éducation morale et civique au cœur d’actions écologiques.
Cette évolution profonde marque « l’importance d’apprendre aux élèves à faire des liens entre des choix, des comportements et leurs impacts environnementaux ». L’EDD doit permettre aux élèves d’envisager l’avenir de manière éclairée et responsable, en leur permettant d’entrer dans l’action collective. Un apprentissage de l’éco-citoyenneté pour mieux lutter contre l’éco-anxiété.
Multitude de ressources
Pour compléter le référentiel, des repères de progression autour de six thèmes sont en cours de rédaction : biodiversité et écosystèmes, alimentation, eau et changement climatique, gestion des ressources minérales, aménagement durable des territoires, numérique. Des attendus de fin cycle y seront associés. Ces repères peuvent constituer une aide et un étayage pour s’y retrouver dans la multitude de ressources à disposition des équipes pédagogiques. Face à l’urgence climatique, ces évolutions mériteraient plus de visibilité. De plus, elles nécessitent des moyens en termes de temps et de formations pour être efficientes. Reste à savoir l’avenir réservé à ces propositions.
Eric Guilyardi est président de l’Office for climate education (OCE)
Quels sont les enjeux de l'EDD dès le plus jeune âge ?
Pour être précis, j’utiliserai plutôt les termes d’éducation au climat et à la biodiversité. Pour les plus jeunes, c’est commencer à comprendre la science, observer un phénomène, le mesurer et se poser des questions pour le comprendre. Il importe d’éveiller la curiosité pour pointer que ces phénomènes peuvent s’expliquer, sans aller tout de suite dans le détail. La compréhension de la démarche scientifique se met progressivement en place en développant le plaisir de la découverte à l’école. Cet éveil participe à construire la pensée critique.
Quelles difficultés rencontre cet enseignement ?
L’EDD se résume souvent dans les classes à des éco-gestes hors contexte, qui ne permettent pas de vision globale et systémique. Enseigner à la transition écologique pour un développement soutenable doit s’appuyer sur des savoirs, des savoir être et des savoir-faire. La science sous-jacente est une opportunité pour appréhender la complexité, et cet enseignement fait appel à toutes les disciplines. L’enjeu devient alors la cohérence du parcours éducatif de chaque élève. L’école primaire permet plus facilement de mettre en place cette cohérence qui doit être construite et explicite. Enfin, il est difficile d’accéder à des ressources de qualité, s’appuyant tant sur la recherche en sciences naturelles que sur les sciences de l’éducation et de la pédagogie. De telles ressources à visée systémique aident en particulier à lutter contre l’éco-anxiété créée par des récits simplistes ou le manque de vision positive.
Quels leviers pour les dépasser ?
Les ressources dont j’ai parlé sont un levier mais ne suffisent pas. Les enseignants doivent pouvoir être formés et échanger au sein de communautés de pratiques. Entrer par ce biais améliore le bien-être des élèves et redonne du sens aux apprentissages, notamment par les pédagogies actives et de projet. Les projets concrets mis en œuvre à l’école, formidables leviers de mobilisation, doivent garder un objectif d’apprentissage explicite. Il ne s’agit pas de « sauver le monde », ce qui ferait porter un poids trop lourd, mais bien d’apprendre pour développer des connaissances et des compétences, telles qu’appréhender la complexité, individuellement comme collectivement.
APPRENDRE AVEC LA NATURE
Le CSP reprend dans sa note les recommandations du Conseil européen pour qui « il importe de donner aux apprenants, dès l’âge préscolaire, la possibilité de comprendre et d’apprécier le milieu naturel […], créer un sentiment de curiosité et d’émerveillement, et apprendre à agir au service de la durabilité, individuellement et collectivement ». Les approches sensibles en lien avec la nature sont essentielles. Selon une étude universitaire américaine de 2015, « l’intégration de la nature dans l’enseignement améliore la réussite scolaire ». Exemple est pris d’un enseignement basé sur les jardins scolaires impliquant plus de 3 000 élèves, « les élèves ont acquis plus de connaissances que leurs camarades témoins sur liste d’attente suivant des cours traditionnels ».
D’autres études convergent sur les bénéfices concernant les compétences psychosociales et le développement de l’esprit critique. Enseigner ainsi réduirait les différences socioculturelles. Pour C. Martel et S. Wagnon dans leur ouvrage L’école dans et avec la nature, c’est « la révolution pédagogique du 21e siècle, qui nécessite de repenser […] les espaces scolaires et la façon d’appréhender son enseignement. Une révolution de fond pour une école de l’émancipation individuelle et collective ».