« Des sujets faisant d'emblée et de plein droit partie de l'école. »

Mis à jour le 16.07.17

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Entretien avec Valérie Barry, maître de conférences en sciences de l'éducation, formatrice ASH à l'ESPE de l'académie de Créteil

Notre école peut-elle devenir inclusive ?

Le paradigme de l'école inclusive repose sur le principe d'accessibilité de l'école dite ordinaire à tous les enfants. Elle se distingue de l'école intégrative par le fait que les élèves à besoins spécifiques sont considérés comme des sujets faisant d'emblée, et de plein droit partie de l'école, laquelle devant être redéfinie dans son organisation et ses pratiques pour prendre en compte cette diversité.

C'est cela à mon sens la vraie nouveauté et pour le moment je ne pense pas qu'on puisse dire que la culture scolaire soit de repenser ses pratiques en fonction de l'ensemble de ses élèves. Quand il y a un ou plusieurs élèves en situation de handicap, dans une classe, on les voit un peu comme des « pièces rapportées » et on essaie de les raccrocher, bon an mal an, au reste d'un groupe qui « fonctionne ».

Ceci dit aller vers une école plus inclusive n'empêche pas de poursuivre des objectifs d'intégrations individuelles. En effet, le triptyque « intégrer, s'intégrer, être intégré », qui caractérise le processus de construction sociale de n'importe quel individu à un groupe, reste d'actualité. Ce qui est nouveau, c'est de considérer que ce processus concerne tous les enfants qui fréquentent le lieu scolaire et pas juste certains d'entre eux.

Quels savoirs professionnels nécessite la mise en place d'une école inclusive ?

Définir l'école inclusive comme un lieu géographique permettant de regrouper des enfants présentant des aptitudes pour apprendre et construire des relations sociales ne peut être une fin en soi. Une fois l'élève « dans les murs », le travail pédagogique ne fait que commencer. La construction de connaissances, de capacités et d'attitudes sous-tend pour tous les élèves l'existence d'un médiateur de l'apprentissage qui fait tout pour mettre l'élève en possession de quelque chose que lui-même détient.

Le fait d'enseigner à des élèves renvoyant une très forte altérité par leur comportement, leur aspect physique ou leur démarche intellectuelle risque fort d'induire des détours pédagogiques qui facilitent tellement la tâche qu'elle en perd son intérêt. Aussi il est important que les élèves à besoins spécifiques appartiennent à un continuum de la classe et de cesser de les considérer seulement par leurs différences car cela induit une pédagogie non pas différenciée mais différenciatrice. C'est-à-dire une pédagogie qui propose des activités différentes de ce qui est proposé au reste de la classe. En toute honnêteté, cela me choque d'entendre, au XXIe siècle, que tel ou tel élève qui présente un trouble spécifique est « différent ». Autant que si j'entendais par exemple qu'un élève dont la couleur de peau est différente de la mienne est « différent ».

Comment former et accompagner les enseignants à de tels changements ?

Il me semble fondamental que les notions de besoin d'apprentissage et de compensation des limitations d'agir et de penser soient au cœur de la formation initiale et continue. Ces notions gagneraient à être progressivement au cœur des démarches pédagogiques avec une formation qui s'appuie massivement sur des études de situations réelles. Les effectifs des classes devraient, je crois, diminuer de façon conséquente et la formation continue comporter chaque année un stage de type « aide négociée » sur le lieu scolaire.

Peut-on vraiment demander à l'école de gérer des élèves qui par leurs troubles perturbent l'espace scolaire ordinaire ?

Je le crois, dès lors qu'on part du principe que les troubles ne sont pas l'expression d'une caractéristique personnelle mais la résultante d'un ensemble de facteurs relationnels et organisationnels qui, mis ensemble, vont exacerber le trouble ou au contraire en limiter l'expression.

Cela suppose également que les professeurs des écoles tentent d'élucider les besoins d'apprentissage des élèves, au-delà des manifestations apparentes du trouble. Par exemple, de nombreux élèves qui manifestent une hyperactivité motrice compensent en fait par une continuité du mouvement une discontinuité de leur pensée, laquelle fonctionne par effet de « zapping ». Susciter des liens de sens, des pauses réflexives, des passages du local au global, sont autant de médiations centrées sur les besoins cognitifs de ces élèves et non sur leur agitation permanente.


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