Des Socrate en herbe
Mis à jour le 04.10.24
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Reportage à Ourques où les élèves pratiquent le débat philosophique
À l’école élémentaire d’Oucques dans le Loir-et-Cher, les élèves de CE2-CM1 pratiquent tous les quinze jours la philosophie en classe. Une discipline qui vient étayer savoir-faire et savoir-être.
« Partout à la ronde, on entend le tam-tam ». C’est par la lecture de Yakouba, jeune homme africain en âge de devenir guerrier, que Laurence Jouneau, maîtresse E, lance le débat philosophique dans la classe de CE2-CM1 de l’école Marcel Pagnol à Oucques (Loir-et- Cher). Pour prouver son courage, le héros doit affronter seul un lion blessé. Deux choix s’offrent à lui : le tuer et passer pour un grand chasseur ou le laisser vivre mais il sera alors banni par ses pairs. « Sommes-nous libres de choisir ?, Qu’est-ce qu’être libre ? », demande Laurence. Installés en cercle, les élèves qui le souhaitent prennent la parole. « Ne pas être libre, c’est quand quelqu’un te retient de faire quelque chose que tu as envie de faire », explique Niels*. « La liberté, c’est pouvoir faire tout ce que l’on veut », affirme Lola. « Tout sauf tuer des personnes, il y a des lois », précise Capucine. « Moi je me sens libre quand je suis seul », complète Arthur.
Les échanges sont vifs, riches et nombreux. Chacun et chacune argumente, précise sa pensée ou complète celle de l’autre. Laurence se tient en retrait dans le débat. Son rôle consiste à reformuler mais aussi à « bousculer les élèves. » « Je joue le rôle du petit Socrate en trouvant des contre-exemples pour les amener à pousser leur réflexion ». Certains élèves font le choix de ne pas prendre la parole mais acquiescent, lèvent les sourcils, s’étonnent, montrent qu’ils ne sont pas d’accord avec les propos tenus… autant de gestes corporels qui témoignent d’une activité réflexive intense.
Construire sa pensée
« Savoir s’écouter, se respecter, être capable d’accueillir une pensée différente de la sienne, sans pour autant l’accepter mais en prenant en compte le fait qu’elle existe… Toutes ces interactions permettent de construire la pensée et enrichissent la réflexion collective », détaille Isabelle Dupin, enseignante de la classe. Pour ces deux PE, le débat philosophique est un outil précieux pour exprimer en mots une pensée qui parfois peut être floue, la préciser et l’argumenter pour la défendre. Lors de ces débats, des ponts entre les sujets vus en classe sont réalisés et les élèves développent des compétences utiles pour justifier leurs choix à d’autres moments comme en arts visuels ou en histoire par exemple. « Les enfants sont reconnus comme légitimes à penser, ils sont valorisés et leur confiance en eux s’en trouve renforcée, poursuit-elle. Et puis, on bouscule les idées reçues comme celle selon laquelle la philosophie serait réservée à une élite alors que toutes et tous sont légitimes à penser ».
Le climat de classe est aussi plus serein avec des élèves plus attentifs à la parole des autres et plus respectueux des règles de prises de paroles sur l’ensemble des temps de classe. « C’est aussi très positif pour nous les adultes, rapporte Laurence, notre posture n’est pas la même et nous pouvons les observer dans une situation d’apprentissage moins classique ». Une occasion pour les enseignantes de porter un autre regard et pour les élèves d'expérimenter de nouvelles relations.
*Les prénoms ont été modifiés.