De bouche à oreille
Mis à jour le 27.04.23
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Reportage à Reims où la poésie est un espace de liberté, de création et d'échanges
Dans une école rémoise (Marne), la poésie est vécue comme un espace de liberté, de création et d’échanges.
« Il suffirait que s’ouvre la porte d’entrée ». C’est par de courts fragments comme celui-ci qu’Éric Nigon, enseignant en Rep+, a choisi de faire découvrir ce matin à ses élèves de CE2-CM1 le texte que leur a adressé le poète Bernard Friot. Ils ont rencontré l’artiste lors de la récente fête de la poésie jeunesse organisée par le Centre de création pour l’enfance de Tinqueux (Marne) et lui ont présenté sur scène un de ses poèmes interprété dans chacune des langues d’origine des enfants. Aujourd’hui, ils découvrent la réponse de l’écrivain qui a tenu à écrire un poème rien que pour eux. Ni tableau noir ni photocopie pour cela mais des extraits épars sur des morceaux de papier chiffonnés. Assis par terre, les enfants attendent qu’un ou une camarade vienne leur chuchoter ces fragments à l’oreille par l’intermédiaire d’un rouleau de papier puis ils sont invités à restituer à voix haute ce qu’ils ont entendu. Chacun endosse les différents rôles et progresse dans l’appropriation du texte. « Quelles images voyez-vous ? », « Que ressent le personnage ? ». En rassemblant ses élèves, Éric les invite déjà à exprimer leur ressenti. D’autres situations suivent par groupes de deux. Guider son ou sa camarade à travers la salle en oralisant un morceau du poème. Faire répéter un extrait chuchoté à voix basse en manipulant un bouton de volume fictif pour moduler la puissance vocale. Les plus timides sont invités à clamer leur lecture du haut de l’escalier pour se faire entendre du reste de la classe.
Une approche sensible
Encouragements mutuels, sourires, conseils du maître... Les élèves jouent avec les mots et les différentes façons de les adresser au public. C’est toujours par deux qu’ils écrivent ensuite une version du poème de leur cru en copiant les vers dans l’ordre qu’ils veulent. « Moi je préfère dans cet ordre ». « Si je répète cette phrase, ça fait comme un refrain. » Dans une posture créative, les enfants utilisent la langue comme un matériau au service de leur expression personnelle. Chaque groupe lit sa création à la classe puis Éric propose un dernier moment pour revenir sur le contenu du texte et ce qu’il leur inspire. « L’enfant est stressé ». « Il est seul et attend que quelqu’un vienne l’aider »... Pour finir la séance, Éric leur en fait une lecture complète qui dissipe leurs dernières interrogations. « Pour ces enfants qui ne sont pas toujours de grands lecteurs, l’idée est d’avoir une approche sensible d’un texte, éloignée du scolaire qui les met trop souvent en difficulté », explique celui qui est aussi maître formateur. « La poésie est idéale pour ça, ce sont des textes courts, on est dans le plaisir de faire. » L’enseignant propose aussi des activités quotidiennes autour de la poésie avec des lectures de poèmes, un « cahier caché » où les élèves peuvent consigner leurs textes librement. Pour nourrir sa pratique, Éric mentionne le rôle essentiel des formations de l’Office central de la coopération à l’école, dont il est militant, qui lui fournissent un bagage de jeux et de situations à proposer en classe. « Les échanges avec de vrais poètes, que nous propose le centre de Tinqueux, sont aussi un formidable moteur », ajoute-t-il.
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