Construire l'esprit critique

Mis à jour le 17.11.21

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Une mission ambitieuse difficile à intégrer dans les enseignements.

enforcé par un contexte sociétal et informatif complexifié, former à l’esprit critique demeure une mission ambitieuse difficile à intégrer dans les enseignements.

Le réchauffement climatique est-il bien une réalité ? Cette information qui circule sur les réseaux sociaux est-elle véridique ? Comment se positionner face à des choix sont des apprentissages qui s’avèrent nécessaires dans une société où les élèves sont bombardés de « fake news » et encore plus dangereux, sont exposés à des théories du complot. Aujourd’hui, n’importe qui peut produire de l’information et les désinformations intentionnelles, diverses et variées, sont susceptibles d’altérer les jugements. D’autant que la croissante complexité du système d’informations provoque souvent des confusions et des modes de raisonnement biaisés laissant voir une relation de causalité là où il n’y en a pas ou encore évacuant l’articulation de facteurs complexes pour expliquer un phénomène. Une préoccupation qui n’est pas l’apanage de la France. « Dans la plupart des programmes scolaires des pays de l’OCDE, l’esprit critique et la créativité font partie, sous une forme ou une autre, des résultats d’apprentissage recherchés », affirme l’OCDE dans un rapport de 2020. Curiosité, lucidité, modestie, autonomie, écoute, prudence, distinguer les faits établis et les interprétations… sont « un ensemble d’attitudes, de procédés, d’habitudes dans la manière d’aborder les choses » qui définissent l’esprit critique, explique Jérôme Grondeux sur Eduscol. Des apprentissages indispensables mais qui ne sont pas sans poser de difficultés aux PE.

 Pas si simple

L’esprit critique est à la fois un état d’esprit et un ensemble de pratiques qui se nourrissent mutuellement. Il n’est jamais acquis et reste une exigence, toujours à actualiser. « Ce n’est pas une matière qu’on décrète mais une compétence transversale, très complexe, aussi importante que savoir lire, écrire, compter, qu’on peut développer dans toutes les disciplines et pas à travers des exercices stéréotypés », souligne le spécialiste en sciences de l’éducation Gérard de Vecci *. Mais avec une formation quasi inexistante, éduquer à l’esprit critique apparaît lourd et flou, bien qu’essentiel. Rendre acteurs les élèves, les faire entrer dans une culture du questionnement, argumenter, apprendre à douter méthodiquement sont des apprentissages complexes et chronophages. De plus, cela s’avère difficilement conciliable avec des prescriptions officielles appelant le recentrage sur les « fondamentaux » et se focalisant sur l’automatisation au détriment de la compréhension. 

De multiples entrées

Alors, comment faire en classe ? Depuis plus de 100 ans, des pédagogies « nouvelles » se préoccupent de l’acquisition de la capacité de jugement et de l’esprit critique des élèves. Les sciences, l’éducation aux médias et l’éducation morale et civique sont des domaines de prédilection pour éduquer à l’esprit critique. Débats philosophiques, lectures, spectacles, webradio, conseil d’élèves… sont autant d’entrées possibles pour construire une pensée critique en donnant du sens aux apprentissages. Une mission cruciale et ambitieuse de l’école qui a en charge la formation de citoyennes et citoyens émancipés et éclairés. 
*Dossier 424 de Fenêtres sur Cours « Si jeunes et déjà citoyens »

FsC 477 Filippo Pirone

FILIPPO PIRONE est  maître de conférences en sciences de l’éducation et de la formation à l’Université de Bordeaux.

Pourquoi enseigner l'esprit critique aux élèves ? 

Cette compétence s’avère essentielle pour la réussite de la vie des élèves. Ce qu’on leur demande aujourd’hui, y compris dès le cycle 1, ce n’est plus seulement un travail de restitution des savoirs et des connaissances mais un travail qui va leur permettre d’être de plus en plus autonomes, c’est-à-dire de posséder des compétences métacognitives. Dotés de l’esprit critique, les élèves sont désormais censés non seulement apprendre ce qui va leur être dit mais aussi avoir une posture réflexive, articuler les compétences entre elles et par la suite les mobiliser pour acquérir de nouvelles connaissances. 

Comment apprendre aux élèves ? 

À certaines conditions, la démarche de recherche scientifique peut être un atout pour solliciter les élèves à rechercher des réponses scolaires, que ça soit par des méthodologies inductives ou déductives, dans les sciences dites « dures » ou en sciences humaines et sociales. L’initiation à cet esprit de recherche peut contribuer à la formation, à la socialisation, au façonnement des dispositions de l’élève. La place de l’éducation aux médias est aussi essentielle dans ce monde où l’école et la famille ne sont plus les deux seules instances qui octroient le savoir légitime. Il faut apprendre à chercher les informations, à s’orienter dans cette jungle où on ne voit plus trop les frontières entre les savoirs profanes et les savoirs légitimes.

Quels conseils aux PE ?

Essayer de réaliser régulièrement des feedback avec les élèves sur l’ensemble des activités, tout au long de la scolarité et ce dès le plus jeune âge. Ce retour d’informations permet aux élèves de s’interroger de manière automatique, de traiter l’information et de l’élaborer. Les outils mis à disposition sur Eduscol sont aussi riches et intéressants articulant recherche et métier. Un réservoir de possibles qui parle aux enseignants et qui peut être appliqué sur le terrain. D’autres ressources plus informelles, comme le journal télé d’Arte junior, peuvent être aussi des supports pour former à l’esprit critique. 

LA PHILO À L’ÉCOLE 

Mettre des mots sur l’actualité, dépasser ses émotions pour mieux penser... c’est ce que permettent les débats philosophiques en classe. Expérimentée avec les enfants depuis plus de quarante ans dans le monde, cette pratique est peu présente dans les classes françaises. Pourtant, « la pratique de la philosophie à l’école permet de développer des habiletés de pensée et des qualités humaines qui sont au cœur même du projet scolaire : le développement de l’esprit critique, l’éducation à la citoyenneté, mais aussi une éthique de la relation à soi et aux autres », explique Edwige Chirouter, ambassadrice de la philosophie avec les enfants à l’école. Les débats, régis par des règles et un cadre bien précis, permettent de penser le monde et ne sont pas comparables avec les échanges quotidiens en classe. Les débats philosophiques sont possibles dès la maternelle avec, par exemple, pour média la littérature de jeunesse. Contes, mythes, fables, albums contemporains sont des histoires porteuses de pensées et de questionnements existentiels sur l’amour, le bonheur, la liberté... Les débats philosophiques forment à l’esprit critique à condition d’instaurer classe respect, écoute, tolérance et coopération.

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