Choisir, pas si simple
Mis à jour le 24.05.24
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Des petits individus entre la tyrannie du désir et le renoncement
« Mettre le désir de l’enfant au centre de tout peut créer chez l’enfant des formes d’excitation, lui donner le sentiment d’une responsabilité trop grande, le mettre dans une situation pas si épanouissante, voire néfaste pour son développement psychique », explique, Daniel Marcelli*, professeur émérite en pédopsychiatrie. Dans son ouvrage, il rappelle que depuis les années 70, les nouvelles connaissances scientifiques sur les compétences de l’enfant, la modification des organisations familiales, l’évolution des normes éducatives parentales et la transformation du concept d’autorité ont bouleversé les principes éducatifs. « Le choix revêt une place centrale dans l’éducation aujourd’hui car permettre à l’enfant de choisir est l’incarnation dans la société d’une valeur essentielle qu’est l’autonomie », souligne le pédopsychiatre.
De petits individus
Aujourd’hui, dès la naissance, le statut d’individu est reconnu à l’enfant. « Il ne s’agit plus pour les parents de “bien élever” leur enfant, qu’il soit poli, qu’il respecte l’autre mais de faire en sorte qu’il s’épanouisse, réalise au maximum ses compétences », précise Daniel Marcelli. Ces nouvelles normes éducatives sont selon lui, très souvent bénéfiques lorsqu’elles sont utilisées avec discernement. Mais les parents se retrouvent pris dans un paradoxe : d’un côté, le souhait d’offrir à l’enfant la possibilité de choisir et de l’autre, l’impossibilité d’appliquer ce principe éducatif à tout moment car la capacité de choisir n’est pas innée.
La tyrannie du désir
En effet, choisir c’est pouvoir renoncer et cela s’apprend. « Lorsqu’est demandé régulièrement ou quasi systématiquement à un enfant ce qu’il veut manger, s’il préfère aller au square ou à la piscine, comment il veut s’habiller, etc., il a tendance à croire que son désir guide le monde, indique Daniel Marcelli. L’enfant devient alors l’esclave de son désir et le rapport à soi prévaut sur le rapport au monde ». Pour apprendre à renoncer, le pédopsychiatre propose que l’enfant soit confronté « de temps en temps à la souff rance d’un désir non satisfait » où les parents font acte d’autorité en imposant un choix à l’enfant. Ce faisant, ils permettent à l’enfant d’être plus épanoui lorsque celui-ci est confronté aux autres, notamment à l’école, lieu de règles communes où l’enfant doit renoncer à sa toute-puissance.
*Co-auteur avec Antoine Périer de « Trop de choix bouleverse l’éducation », Éd. Odile Jacob, 2023.