Carte scolaire
Mis à jour le 22.03.23
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Chauny dit non aux fermetures d’école
Dans la commune de Chauny dans l’Aisne, des parents d’élèves se mobilisent pour conserver l’école maternelle Brouage et l’école élémentaire Cadet du quartier Nord, classé politique de la ville.
« Liévin, si tu savais, nos écoles, nos écoles ! Liévin si tu savais, on fera tout pour les sauver ! ». En ce jeudi 9 février, le froid sec n’a pas découragé parents, enfants, élus de l’opposition et la FSU-SNUipp de manifester dans les rues de Chauny, dans l’Aisne. Ils défilaient contre les fermetures de l’école élémentaire Cadet et de la maternelle Brouage, fermetures décidées par le maire et bien vite approuvées par la Dasen. « Nous avons organisé une journée « école morte » pour montrer au maire que cette décision va à l’encontre de ce que veulent les familles », explique Jessica Richetez, mère d’élèves élue. Et manifestement l’appel a été entendu, seulement 14 élèves sur 110 étaient présents à l’école Cadet. Dans cette ville d’environ 12 000 habitants, le maire Emmanuel Liévin a annoncé sur les réseaux sociaux en décembre dernier, la fermeture de ces écoles situées dans les quartiers Nord et la rescolarisation des élèves dans les écoles voisines. Un choix que l’élu n’a pas souhaité commenter malgré les nombreuses sollicitations de Fenêtres sur Cours.
Cette décision fait réagir. Pour Francis Hérédia (PCF), élu de la majorité issue de la liste d’union comprenant des élus de gauche, « c’est un choix incompréhensible et inacceptable ! Ce n’est pas le rôle d’un maire de fermer les écoles, de remettre en cause le service public de l’éducation nationale. Cette décision n’avait pas été communiquée à l’ensemble des élus municipaux et n’a pas fait l’objet d’une délibération ». Un avis partagé par Alban Delforge, élu de l’opposition du centre, « les fermetures se font dans un quartier politique de la ville, un des plus défavorisés de la commune où le niveau de revenu est parmi les plus bas de l’Aisne, environ 6 000 euros annuels par foyer ». Ces deux fermetures d’école interviennent dans un contexte de réduction de postes au niveau national. En effet, 1 117 suppressions sont prévues dans le premier degré pour la rentrée 2023 sur l’ensemble du territoire. Un solde négatif qui se répercute sur de nombreux départements, dont l’Aisne qui doit rendre 17 postes. La proposition du maire est donc une aubaine pour la Dasen, représentante de l’État, qui, sans entrer en conflit avec la municipalité, peut fermer huit classes et n’en ouvrir que quatre sur l’ensemble de la commune.
D'autres choix sont possibles
Les équipes des écoles concernées s’insurgent. « Cette annonce a été un véritable choc, explique Nadège Marcus, directrice de l’école élémentaire Cadet, d’autant qu’il y a davantage d’élèves prévus pour la rentrée 2023, 10 CP en plus. Les effectifs ne justifiaient même pas une fermeture de classe ! ». La directrice déplore tout aussi vivement la disparition de l’école qui joue un rôle social fort dans ce quartier prioritaire. « Le lien avec les familles est important, elles nous font confiance et sont très inquiètes pour l’avenir », précise-t-elle.
Pour Virginie Westelle, parent d’élève élue à l’école maternelle Brouage, c’est la colère qui domine. « Le maire invoque le nombre de classes inoccupées du fait de la baisse de la démographie depuis plusieurs années, les hauteurs de plafond et le coût énergétique que cela engendre. Il se fiche qu’on ait besoin de notre école dans notre quartier ». L’école Cadet est un bâtiment de douze classes : six accueillent les classes du CP au CM2 et le dispositif Ulis, les autres permettent de réaliser diverses activités comme arts plastiques, chorale, théâtre. Des salles sont dédiées au RASED et à la bibliothèque qui sert aussi de lieu de réunion pour l’équipe enseignante. Autant d’espaces qui pourraient être réaménagés pour accueillir les élèves de maternelle. « Nous avons proposé de fusionner les deux écoles afin de garder une école de quartier, précise Virginie Westelle, mais notre proposition n’a pas été entendue ». Lors de l’audience avec la Dasen et le préfet, la FSU-SNUipp s’est appuyée sur des critères objectifs comme la stabilité des effectifs, l’impact sur l’inclusion des élèves avec la réorganisation du dispositif Ulis, le fait que les écoles situées dans un quartier politique de la ville restent le seul service public de proximité. Elle a aussi dénoncé le manque de concertation et surtout elle a fait valoir que la décision n’a pas été validée par le conseil municipal. « Sans compter que cette fermeture va servir très certainement l’école privée située juste en face de l’école maternelle Brouage », s’indigne le représentant de la FSU-SNUipp, Guillaume Hily. Mais ni le préfet, ni la Dasen n’ont changé leur fusil d’épaule. Au CDEN du 10 février dernier, les fermetures d’écoles ont été prononcées. Le préfet s’est engagé à revenir sur cette décision si le conseil municipal l’invalidait. « Tant que ce n’est pas voté, on se battra pour nos écoles et nos enfants, rapporte la mère d’une élève. Nous allons organiser des rassemblements avant chaque conseil municipal pour faire pression sur les élus ». À Chauny, comme dans beaucoup d’autres communes concernées par la carte scolaire, la bataille se poursuit.
Des milliers de classes fermées
La rentrée 2023 sera inédite en France du fait d’un solde négatif en dotation de moyens d’enseignement, une situation qui ne s’était pas produite depuis 2012. Selon l’enquête de la FSU-SNUipp au 5 mars, les 1 117 suppressions de postes se traduisent déjà par 4 679 fermetures de classes actées dans l’ensemble des départements pour seulement 2 489 ouvertures, soit un solde négatif de 2 190 classes. Alors qu’il reste un grand nombre de classes avec des effectifs à plus de 25 élèves, la baisse démographique aurait dû permettre d’améliorer les conditions d’apprentissage. Ces fermetures constituent un vrai recul du service public d’éducation. Par ailleurs, rien n’est fait pour compenser le manque de plus en plus criant de personnels remplaçants, RASED... L’école a besoin d’autres perspectives, c’est pourquoi le syndicat demande un plan d’urgence avec un engagement budgétaire pluriannuel permettant le recrutement massif de PE.