Bessancourt, terre d'asile
Mis à jour le 16.04.22
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Grand angle autour de la scolarisation des enfants d'Ukraine à Bessancourt (Val d'Oise)
Partie il y a un mois d’Ukraine, la famille d’Oksana et de Pavlo a posé ses valises à Bessancourt (Val d’Oise), au terme d’un voyage épuisant. Accueillie par la commune, le milieu associatif et l’école, elle tente de se reconstruire.
Oksana*, six ans, quelques dents en moins mais un large sourire aux lèvres et Pavlo*, dix ans, un peu moins insouciant que sa petite sœur, ont fait leur rentrée mardi 22 mars dernier à l’école Saint-Exupéry de Bessancourt (Val d’Oise). Accompagnés de leur maman, de leur papa et de la famille d’accueil qui les héberge depuis deux jours, c’est non sans angoisse que les enfants ont vécu la séparation. Après un long périple de près d’un mois depuis leur petite ville à la frontière macédonienne, la famille ukrainienne est arrivée par ses propres moyens en région parisienne quelques jours auparavant. Elle a la chance de croiser un membre de l’association Perspectives Ukrainiennes après avoir passé une nuit dans la rue. L’association les a hébergés et rapidement orientés vers la famille Héron, habitant à Bessancourt, et volontaire pour l’accueil de réfugié∙es. « Nous avons la chance d’avoir une grande maison et nous avons toujours accueilli des personnes en difficulté. Cela nous semble un minimum lorsque l’on peut… », explique Liliane Héron, maîtresse E aujourd’hui à la retraite. Perspectives Ukrainiennes est une association culturelle qui n’avait pas vocation à faire de l’humanitaire, la guerre a changé la donne comme l’explique la présidente Lesya Darricau-Dmytrenko : « Le 24 février, nous étions réunis place de la République et on s’est demandé ce que l’on pouvait faire. J’avais été contactée par des Ukrainiens qui cherchaient refuge en France, alors on a décidé de contacter les mairies. Aujourd’hui, nous avons tout un vivier de familles françaises qui accueille plus de 40 Ukrainiens et Ukrainiennes ».
Un accueil réfléchi
Prévenue lundi matin de la présence de nouveaux réfugiés ukrainiens sur son territoire, la mairie de Bessancourt - qui accueille déjà deux familles ukrainiennes dans des logements lui appartenant - met rapidement en place tout un dispositif d’accompagnement. L’accueil, pour cette commune Val d’Oisienne d’un peu plus de sept mille habitant∙es, c’est une habitude. Déjà volontaire pour l’accueil des réfugié∙es de Syrie et d’Irak, le maire Jean-Christophe Poulet explique qu’« un réfugié est un réfugié, l’accueil se doit d’être universel. On ne les accueille pas parce qu’ils sont européens mais parce qu’ils sont réfugiés ». Riche de son expérience, l’équipe municipale sait que la scolarisation des enfants est une priorité. « C’est important de les scolariser immédiatement, ça les sort un peu du climat anxiogène – et légitime – familial. Ils découvrent immédiatement leur nouvel environnement et ils retrouvent ce qu’il y a d’universel entre les enfants : jouer, courir, rire… », ajoute le maire. Cantine, activités périscolaires et extrascolaires sont prises en charge par la commune. D’ailleurs Pavlo qui appartenait à un club de foot en Ukraine intégrera celui de la ville quelques jours plus tard. Seconde priorité, la régularisation administrative. Les deux premières familles, arrivées à peine quelques jours plus tôt, disposent déjà d’un titre de séjour provisoire leur permettant de bénéficier de l’allocation pour demandeurs d’asile, d’une prise en charge intégrale des frais de santé, de la gratuité des transports et de l’autorisation de travailler. Les parents ont aussi le droit à des cours de français tous les samedis. Viendra ensuite le temps du logement, du travail… « Nous sommes une sorte de béquille pour les soutenir le temps de l’urgence, l’enjeu est de les accompagner vers l’autonomie », explique Jean-Christophe Poulet, « comme nous l’avons fait pour la famille syrienne qui est aujourd’hui locataire de droit commun et dont les parents occupent tous les deux un emploi ».
A l'école, les enfants posent leurs bagages
Du côté de l’école, c’est lundi 21 mars que Cassandra Routier – directrice de l’école élémentaire Saint-Exupéry et enseignante de la classe de CM2 – reçoit un appel de la mairie lui demandant de scolariser dès le lendemain Oksana et Pavlo. « Il était important pour nous de les accueillir rapidement et avec bienveillance », explique-t-elle « l’école, c’est le lieu où les enfants posent leurs bagages, où ils peuvent redevenir des enfants le temps de quelques heures ». Le soir même, parents et enfants accompagnés de la famille Héron ont visité l’école et rencontré leurs futures enseignantes. L’enjeu était de les sécuriser. « Ils ont déjà tout laissé là-bas, ils se sont séparés de leur famille… J’imagine que, même si c’est bien pour les enfants d’intégrer l’école, c’est encore une séparation. La famille doit apprendre à avoir confiance en nous, on doit donc leur montrer que nous sommes disponibles et dans l’accueil », ajoute la directrice. Très rapidement, là encore, les choses se mettent en branle. La maîtresse d’UPE2A, qui intervient déjà pour d’autres enfants, est sollicitée. « Elle nous a donné quelques outils pour mieux les accueillir et les prendra en petit groupe. C’est toujours moins intimidant pour les élèves allophones de parler dans ce type de dispositif. », explique Cassandra Routier, qui a Pavlo dans sa classe. Elle et sa collègue de CP, maîtresse d’Oksana, savent déjà qu’elles peuvent compter sur des compétences affirmées en mathématiques des deux élèves. Et pour ce qui est de la barrière de la langue, les applications de traduction sont d’une grande aide en attendant que les enfants acquièrent des rudiments de français pour mieux communiquer.
* Les prénoms ont été modifiés