Aujourd'hui c'est physique !

Mis à jour le 20.03.23

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Reportage à Pau où les maternelles intègrent la démarche scientifique

Les sciences physiques sont déjà au programme des élèves d’une classe de PS-MS-GS de Pau (Pyrénées-Atlantiques) qui ont intégré la démarche scientifique comme outil de découverte du monde.

Pas facile de quitter son lit et de prendre le chemin de la petite école maternelle Bouillerce dans la banlieue de Pau (Pyrénées- Atlantiques) par cette aube hivernale froide et pluvieuse. Mais c’est pourtant dans l’enthousiasme qu’on aborde de bon matin, dans la classe de petite, moyenne et grande section de Myriam Semmarty, les principes de primauté de l’expérience, de robustesse et de reproductibilité manipulés quotidiennement par les chercheurs et chercheuses en physique ou en chimie. Dans le cadre de ses ateliers, la maîtresse propose à un petit groupe de cinq élèves d’expérimenter une situation nouvelle intégrée dans une séquence d’apprentissage autour de la flottabilité des objets et des matières. Dans un premier temps, Myriam fait découvrir, manipuler, comparer par les enfants une dizaine de bougies de couleur identique variant par la forme et par la taille. « Est-­ce que les bougies sont pareilles ? » Qu’est ce qui les différencie ? » « Laquelle est la plus grande ? La plus lourde ? ». Par ses relances, ses questions, ses demandes de précision, l’enseignante amène peu à peu les enfants à affiner leur pensée et leur vocabulaire, à s’exprimer dans un langage clair qui est aussi celui des sciences. « Ces deux-­là ont une forme arrondie », décrit Samy. « Elles sont toutes de la même matière, c’est de la cire », ajoute Wayatt. Puis vient le moment d’émettre des hypothèses sur leur flottabilité que Myriam prend soin de reformuler. « Eva pense que celles­-ci vont couler parce qu’elles sont plus lourdes. Sultan pense qu’elles vont toutes flotter... » Comment trancher ? C’est bien sûr par l’expérience qu’on va en savoir plus, comme le demandent les élèves eux-mêmes, rompus à la démarche : « Il faut essayer », « En sciences, c’est ce qu’on voit qui compte. » Myriam apporte un bac transparent rempli d’eau et une serviette pour les éclaboussures et les enfants plongent tour à tour chaque bougie dans l’eau en observant attentivement ce qui se passe. Surprise pour presque tout le groupe, « toutes les bougies flottent ! » Il est temps de conclure et on s’accorde sur quelques phrases clé : « Le poids, la taille et la forme ne comptent pas. », « Les bougies sont en cire, la cire flotte. » La trace de la séance n’est pas encore écrite mais elle est déjà filmée par Myriam qui a pris soin de disposer une caméra sur un trépied.

Le soutien d'une formation

Myriam, maîtresse chevronnée qui est aussi PEMF, n’a pas toujours été aussi à l’aise avec l’enseignement des sciences. « Je mets en place ce type de séquences depuis quatre ans suite à un stage de formation sous la conduite d’Estelle Blanquet (voir ci-dessous) qui a
débouché sur un projet concernant plusieurs classes et toujours en cours, explique-t-elle. L’idée est de montrer comment les enfants peuvent mettre en œuvre et intégrer dès la maternelle les éléments de la démarche scientifique ». Dans cette école située dans un quartier défavorisé, le travail collectif est un impératif partagé par toute l’équipe. « Nous avons choisi de fonctionner en trois classes multi­-âges depuis la réforme des cycles, précise-t-elle. Mais arrivés chez les grands, les élèves changent quand même de classe. Pour les sciences, c’est une collègue qui travaille sur le vivant, moi je reste dans le domaine de la physique. »L’enseignante a ainsi inscrit deux progressions dans sa programmation annuelle : flotte/coule et la notion de pivot/poulie. « Le point de départ pour ces deux sujets est un album jeunesse. Mais je ne m’interdis pas aussi d’exploiter des éléments issus de la vie des enfants et du contexte local. Le jour où il a neigé, les enfants sont rentrés avec des boules de neige dans la classe et se sont demandés ce qu’elles allaient devenir. Ça a été l’occasion d’aborder les différents états de l’eau. »C’est bientôt l’heure de la récréation. On se regroupe pour faire le point sur le travail réalisé en ateliers sans trop s’étendre sur les conclusions du groupe sciences puisque les autres élèves devront aussi découvrir la situation par eux-mêmes. « Je leur proposerai le même type d’expériences avec différentes matières, le bois, le métal, le polystyrène, pour leur permettre de transférer et de généraliser les propriétés qu’ils découvrent », commente Myriam, « mais au-­delà des connaissances, l’enjeu est surtout d’acquérir une démarche. »

Estelle Blanquet est maître de conférences en didactique des sciences, INSPE et université de Bordeaux

FsC 488 Reportage Physique en mat Estelle Blanquet

Pourquoi faire des sciences à l'école maternelle ? 

Les enfants de maternelle sont en pleine période de découverte du monde et c’est le moment optimal pour leur faire découvrir les sciences. Par ailleurs, la science est un exercice précieux pour travailler la précision du langage en leur apprenant à décrire ce qu’ils font, ce qu’ils voient, etc. Enfin, tous les éléments de méthode scientifique qu’ils s’approprient à ce jeune âge les préparent à devenir des citoyens du monde.

Quelles situations proposer ? 

Respecter les démarches propres à la science et les faire adopter par les enfants ne s’invente malheureusement pas. S’appuyer sur l’intérêt des enfants ne suffit pas. Je conseille aux enseignants, trop souvent mal outillés en sciences à l’issue de leur formation, de s’appuyer sur des ressources conçues pour eux, avec des activités structurées et soigneusement « chorégraphiées ».

Comment dépasser les obstacles ? 

Dans un premier temps, il est indispensable de tester soi-même les expériences pour s’approprier la démarche et les concepts et conduire les activités en se sentant plus à l’aise. Commencer ensuite avec des situations concrètes et bien décrites : en physique par exemple les changements d’état de l’eau, les ombres, les poulies, les engrenages, les mélanges... Les albums chers aux enseignants sont un excellent support et permettent souvent une navigation entre le monde et ses représentations, au cœur de la démarche scientifique.

FsC 488 reportage en mat sciences physiques

RESSOURCES

SCIENCES À L’ÉCOLE, CÔTÉ JARDIN

Un guide pratique conçu par Estelle Blanquet pour organiser « un jardin des sciences » dans une classe maternelle ou élémentaire. 40 séquences en accès gratuit.

SCIENCES ET ALBUMS

Le site culturescienti-fique89 propose une liste d’albums sélectionnés par un conseiller pédagogique spécialisé de l’Yonne qui peuvent servir de support pour mettre en œuvre une démarche d’investigation. Il comprend également quelques vidéos d’activités menées en classe.

PLOUF ! ET LA POULIE

Avec comme point de départ l’album Plouf ! de Philippe Corentin, une séquence complète pour aborder la poulie en classe maternelle avec un modèle de cahier d’expériences. EDUSCOL.EDUCATION.FR

DÉMARCHE SCIENTIFIQUE

Dans un webinaire de 45 minutes, Estelle Blanquet détaille les fondements de la démarche scientifique et les procédures pour la mettre en place à l’école primaire en l’illustrant avec des séquences de classe. PODEDUC.APPS. EDUCATION.FR

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