Alliance éducative

À l’école du Centre à Vénissieux dans le Rhône, la relation école-familles se construit au quotidien.

La cloche a sonné à l’école élémentaire du Centre de Vénissieux et les élèves ont rejoint leur classe. Une vingtaine de personnes s’attardent pour ce troisième « café des parents » de l’année autour du thème « La semaine sans écran ». « Vous voulez du café ou du thé ? », leur Nadia Bouchida, parent d’élève élue, pour les mettre à l’aise. « On fait souvent le lien entre les parents et l’école », glisse-t-elle. Des mères discutent avec des enseignantes, la directrice ou l’infirmière, un père qui vient pour la première fois interroge sur l’objectif de cette semaine. Tous les ingrédients sont réunis pour construire de manière pérenne un système qui fait entrer les parents à l’école : une équipe enseignante qui rend plus lisibles les attendus de l’école et des familles qui investissent la scolarité de leurs enfants.

Un projet commun

« Depuis le Covid, nous avions du mal à voir les parents, commence Alexandra Mounier, directrice depuis trois ans de l’école de 19 classes située en Rep+. Nous avons renoué le dialogue dans le cadre du projet d’école avec l’axe climat scolaire qui définit l’école comme un espace sécurisant, bienveillant et exigeant envers tous ses acteurs ». Une directrice qui se tient tous les jours au portail, très à l’écoute des familles qu’elle accompagne dans les démarches administratives. L’équipe enseignante a mis en place une commission parents d’élèves qui se réunit une fois par période pour décider et organiser des activités et des ateliers : « café des parents », musée à l’école, fête des 100 jours, carnaval et fête de l’école… « L’objectif est d’ouvrir l’école aux parents aussi sur le temps scolaire, poursuit la directrice. Quand les parents sont plus investis dans les activités quotidiennes des enfants, la relation est apaisée avec les familles et les enfants se rendent compte qu’il n’y a pas deux mondes différents ». En CM1-CM2, sur certaines périodes, les parents peuvent venir travailler « comme les élèves » pendant deux heures et parfois mener un atelier. En CE1, certains grands-parents sont venus raconter leur voyage pour arriver en France. En début de CP, les parents sont accueillis pour la demi-heure de rituels. La présence d’une infirmière du service municipal santé/prévention/hygiène de Vénissieux au sein de l’école représente un vrai « plus » pour l’équipe enseignante et pour les parents qu’elle aide à faire face à leurs difficultés éducatives. La mairie, depuis longtemps présente sur ce terrain, croise ses préoccupations avec celles du projet d’école. « Nous avons de nombreux échanges avec la directrice et les enseignantes concernant les enfants. L’équipe me sollicite, après accord des parents, pour effectuer des tests suite à des difficultés langagières par exemple, qui permettent d’orienter si besoin les élèves vers la psychologue ou l’orthophoniste », explique Ludivine Bruyère. L’infirmière est à mi-temps dans l’école et connaît bien les fratries des familles. « Les parents viennent facilement me consulter, confie-t-elle. Je fais beaucoup d’accompagnement parental car ils sont souvent démunis. »

Sur le temps scolaire

« Nous avons échangé en conseil des maîtres au moment de la réécriture du projet d’école pour définir collectivement les objectifs généraux que nous attachions à l’axe qui concernait la relation école-familles. Après, nous avons proposé des activités par niveau pour mieux intégrer les parents », raconte Camille Bastien. Une mise en place facilitée en CE1 par le regroupement de deux classes dédoublées. Avec sa collègue Aurélie Braque, elle a choisi d’associer les parents à des moments de jeux éducatifs. « Les parents nous rejoignent pour une heure ou deux. Nous choisissons les jeux, expliquons les règles aux enfants et aux parents pour qu’ils jouent ensemble. La dernière fois, on avait 14 parents ! ». Tous les lundis après-midis, c’est classe dehors pour les CE1. Les enseignantes poursuivent une fois par mois par une randonnée à laquelle quatre ou cinq parents participent. Ils peuvent aider les enfants à lire les cartes ou à réaliser les ateliers nature. Des moments de co-éducation indispensables à la relation écoles-famille, qui constituent selon la recherche et pour le ministère de l’Éducation nationale, l’un des sept facteurs favorables au climat scolaire mais nécessite des moyens humains et matériels à la hauteur des besoins.

Catherine Hurtig-Delattre, coordinatrice de l’ouvrage « Coéducation, clés pour une responsabilité partagée » (Ed. Canopé 2022) 

La collaboration avec les parents est-elle importante ? 

L’idée, qui domine dans les conceptions éducatives actuellement en Europe, est qu’il est bénéfique pour l’enfant qu’il y ait une certaine porosité entre les adultes qu’il rencontre à l’école, dans la famille ou ailleurs et que les différentes sphères éducatives se connaissent, se reconnaissent, se respectent et communiquent. Ça l’aide à grandir, à réduire les conflits de loyauté, à prendre confiance pour réussir à l’école. Cela améliore le climat scolaire et le bien-être de tout le monde. La relation école-familles n’a pas pour but de se mettre d’accord sur la meilleure façon d’éduquer mais plutôt d’accompagner l’enfant dans la diversité à laquelle il est confronté.

Est-ce que cela va de soi ? 

L’école s’est construite en France dans une culture professionnelle qui n’incluait pas les familles. C’est seulement depuis 2013 qu’il y a un BO qui dit clairement que la coéducation est bénéfique pour la réussite scolaire et qu’elle est obligatoire du côté de l’enseignant. Aujourd’hui, c’est donc devenu un geste professionnel comme les autres, qui vient en plus de tout ce que l’enseignant a à faire. Cela ne va pas de soi parce que les enseignants ont tendance à vouloir « faire adhérer les parents » alors que la coéducation implique d’expliciter et d’accueillir, sans avoir la nécessité de convaincre. C’est une posture difficile, dont la clé est dans le non jugement, la parité d’estime. La coéducation n’a pas pour but de faire disparaître les tensions mais de les gérer.

Quels bénéfices ?

Pour que l’enfant puisse grandir et choisir sa propre route, il doit accepter sa propre famille tout en acceptant aussi de s’ouvrir à des choses nouvelles qu’il ne connaît pas, c’est ainsi que l’école sera émancipatrice. L’école a donc un grand rôle à jouer car l’enfant ne peut pas s’autoriser à être différent de ses parents s’il ne sent pas que l’école les respecte. Entendre les parents parler de leur enfant aide également les enseignants à accompagner l’élève. La coéducation a aussi un bénéfice sur le climat scolaire et la confiance. Les enseignants travaillent plus sereinement s’ils gagnent la confiance des parents en communiquant avec eux. La coéducation enfin n’est pas qu’une affaire d’enseignants et de parents, c’est l’affaire de l’ensemble des adultes qui sont autour des enfants. Cette reconnaissance mutuelle, cette communication, cette affaire de parité d’estime concerne tous les professionnels de l’éducation, y compris entre eux.

FAMILLES POPULAIRES
La publication « Relations École-Familles de la maternelle au lycée » (Ifé-Centre Alain Savary 2018) est le résultat de travaux conduits à partir de dispositifs pérennes qui ont fait leur preuve en lien avec la pratique, la formation et la recherche. Cette ressource permet de nourrir l’action et la réflexion sur les relations entre l’école et les familles de milieux populaires.CENTRE-ALAIN-SAVARY. ENS-LYON.FR

COÉDUCATION
Qu’est-ce que la coéducation ? Comment renforcer la coopération entre l’école, les familles et tous les partenaires ? « Coéducation » (éditions Canopé 2022) donne des clés pour aider les PE à mieux comprendre la notion de coéducation, ses enjeux et ses principes, à partir de dispositifs expérimentés sur le terrain. RESEAU-CANOPE.FR

CLIMAT SCOLAIRE
La coéducation est l’un des sept facteurs qui permettent d’agir sur le climat scolaire pour améliorer les résultats scolaires, le bien-être des élèves et des personnels et de diminuer les inégalités scolaires. Eduscol propose des outils, des ressources et des exemples de réalisations concrètes.EDUSCOL.EDUCATION.FR