Aimer les problèmes
Mis à jour le 24.04.23
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Reportage à Poitiers où l'important c'est de chercher
Aimer les problèmes, c'est possible
Manipuler, schématiser, l’essentiel est de chercher lors de cette séance de résolution-problème dans une classe de CE1-CE2 de l’école Alphonse Bouloux à Poitiers, dans la Vienne.
« L’important ce matin était qu’ils cherchent une nouvelle démarche », explique Adrien Rasoloarimanantsoa, professeur des écoles maître formateur à l’école Alphonse Bouloux de Poitiers. Au programme de ces élèves de CE1-CE2 : trouver combien de poissons il y a de plus que de dauphins dans l’escorte du char de Poséidon. Installés parfois sur des ballons, des coussins à équilibre ou avec une balle dans les mains, les élèves se concentrent sur les différentes étapes de résolution d’un problème. Décoder, imaginer, manipuler ou dessiner, calculer, vérifier et répondre. Rompus à l’exercice, ils expliquent chaque phase. Adrien s’appuie sur la connaissance du groupe pour expliciter les mots « char », « escorte », « flots » avant d’éteindre le tableau numérique, faisant disparaître l’énoncé. « Qui me raconte de quoi parle le problème, sans les nombres ? ».
Par ajouts successifs, les élèves reconstruisent l’énoncé. « C’est comme si on faisait un film dans notre tête, explique Camille, pour comprendre de quoi ça parle ». « Je choisis d’enlever les nombres pendant la phase de reformulation pour qu’ils ne soient pas focalisés dessus et se concentrent sur le sens de la situation », argumente Adrien. Pendant que la plupart des élèves s’emparent de crayons de papier pour se représenter le problème en dessinant ou schématisant, d’autres ont besoin de passer par la manipulation avec l’aide de l’enseignant. « Représenter les quantités de poissons et de dauphins à l’aide de plaques, de barres et de cubes est encore nécessaire pour donner du sens au problème avant de passer à un autre niveau d’abstraction », précise-t-il. L’une des difficultés est de basculer de l’histoire au langage mathématique.
Le retour au grand groupe est l’occasion de confronter le résultat de leurs manipulations et les différents schémas glanés par l’enseignant dans les cahiers des élèves. Adrien fait les liens entre la représentation des quantités et les tentatives de schémas, certains menant à des impasses, d’autres à la solution en faisant verbaliser les stratégies utilisées. En revenant sans cesse à ce qu’il fallait chercher, « Combien il nous manque ? » « Combien il faut ajouter pour arriver à la quantité ? », il les amène à construire collectivement un schéma représentant correctement cette situation nouvelle. Une affiche « Je cherche : combien de plus ? » et un schéma en barre pour calculer l’écart servent de trace écrite commune. Certains élèves n’ont pas le temps de recopier l’opération et la phrase réponse. « Ce n’est pas grave, les rassure Adrien, je vous les donnerai ».
Elaborer collectivement
Car, l’essentiel aujourd’hui était que les élèves réfléchissent à une nouvelle représentation, qu’ils installent une situation de référence transposable quelles que soient la situation et la grandeur des nombres. Adrien a évolué dans sa façon de construire son enseignement des mathématiques. « Je n’étais pas satisfait de la manière dont certains manuels introduisent les problèmes par champ opératoire. Si je viens de travailler l’addition, alors il faudra sûrement faire une addition pour résoudre le problème. Cela peut amener à la construction de faux automatismes. » Depuis trois ans, il s’appuie sur des outils fournis par un collectif de formateurs et formatrices de la Vienne sur le site MATHebdo, collectif auquel il collabore désormais.
Avoir à sa disposition des problèmes qui ont été réfléchis, qui permettent de balayer tous les domaines avec une programmation et des propositions de modélisation est bienvenu quand l’objectif est de proposer dix problèmes par semaine. « J’essaie aussi de commencer par des situations de recherche, de résolution de problème pour donner du sens et que les élèves aiment ça. Il y a besoin de dédramatiser l’approche des problèmes ». « Nous avons choisi une entrée ludique pour que les élèves prennent plaisir à faire des maths en jouant ou en résolvant des énigmes, précise Samuel Bougrier, conseiller pédagogique en numérique, maths et sciences. Mais l’habillage ne doit pas masquer ce que l’on doit enseigner. Le principal est qu’ils comprennent que résoudre des problèmes, faire des maths, servent en permanence dans la vie de tous les jours ». Pour cela, les problèmes proposés traitent souvent de questions concrètes avec des personnages réels. Ils permettent aussi de faire le lien avec les autres disciplines par une entrée culturelle comme ici avec la mythologie. « Nous sommes une équipe de formateurs qui avons voulu apporter une aide concrète aux collègues suite aux préconisations des dix problèmes par semaine du plan Villani-Torossian », ajoute Samuel. L’école située dans un quartier politique de la ville bénéficie pour la dernière année de l’intervention d’une enseignante sur un poste surnuméraire. Parce qu’il n’est pas toujours facile de faire verbaliser suffisamment les élèves autour des situations problèmes dans le temps imparti aux mathématiques, Adrien apprécie cette co-intervention permettant la tenue d’ateliers hebdomadaires.
Audrey Hugonnaud-Fayollat est CPC référente maths départementale de la Vienne
Pourquoi enseigner la résolution de problèmes ?
Un travail d’acculturation est nécessaire pour habituer les élèves à se mettre en position de chercheur. Dès la maternelle, il est important de les confronter à des problèmes qui ont du sens pour eux. La place des problèmes a été réaffirmée dans les nouveaux programmes élémentaires comme un enseignement à part entière en mathématiques mais aussi dans toutes les disciplines.
Quelles sont les difficultés ?
Cela implique de construire une progression, d’identifier les problèmes pertinents, de fournir les outils permettant des apprentissages pérennes, de conserver les traces des recherches, de prévoir les affichages… De plus, laisser l’élève chercher, manipuler, se tromper peut faire peur. Parce qu’il veut que l’élève réussisse, le PE peut parfois trop le guider, l’empêchant de chercher par lui-même. Une formation est nécessaire.
Quelles pistes ?
Les problèmes peuvent être simples mais doivent permettre un questionnement réel pour que les élèves élaborent des stratégies, les confrontent aux autres, pour arriver à des procédures expertes. Puis, il faut les stabiliser en les confrontant à de nombreux problèmes avec des contextes différents. Plus on fait des problèmes, qui relèvent de l’univers des enfants ou qui permettent de représenter le monde qui nous entoure, plus on peut prendre du plaisir, élèves comme enseignants.
Ressources
10 PROBLÈMES/SEMAINE
Le site Maths hebdo propose toutes les semaines 10 problèmes à résoudre en fonction des niveaux de classe. Des déclinaisons dans les différents domaines avec de la méthodologie, des aides pour décoder et représenter le problème, des méthodes de résolution variées et des prolongements en langue, calcul mental en APQ et des problèmes audio en web radio.
AC-POITIERS.FR/DSDEN86-PEDAGOGIE/
DES PHOTOS POUR RAISONNER
Chercher, modéliser, représenter, raisonner, calculer, communiquer en partant de photos du quotidien, c’est ce que propose le site M@ths en-vie à travers des activités à mettre en place dans l’enseignement des mathématiques.
MATHSENVIE.FR
UN MAGISTER EN APPUI
À travers un parcours d’une heure trente, le réseau Canopé propose un magister « Apprendre à résoudre des problèmes arithmétiques ». En s’appuyant sur le travail de Catherine Houdement et Maryvonne Priolet, chercheuses en didactique des mathématiques, le réseau tire des enseignements pour aider les élèves à être autonomes dans la résolution de problèmes à l’école élémentaire.