AESH, un métier

Mis à jour le 24.11.22

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En quête de sens et de reconnaissance

Kelly Petithomme est AESH à l’école de la rue de l’Évangile à Paris depuis cinq ans. Elle revendique un vrai métier.

« Tu n’as pas pris ton livre Lola*, c’est pour cela que tu n’arrives pas à suivre », explique patiemment Kelly Petithomme, AESH - accompagnante d'élèves en situation de handicap, à la jeune élève de CM2 qu’elle accompagne. Après avoir fait tomber sa trousse, tourner toutes les pages de son cahier, s’être retournée une dizaine de fois en quelques minutes… Lola se met enfin au travail. Il est 10h à l’école Évangile du 18e arrondissement parisien et l’AESH vient d’arriver dans la classe, après avoir laissé Virgil* en récréation. « Une transition qui n’est pas toujours évidente, avoue Kelly Petithomme. Passer d’un élève à l’autre, d’un enseignant à l’autre, d’un mode de fonctionnement à l’autre, relève d’une forme de gymnastique mentale fastidieuse ». Pour autant, la jeune femme se plaint peu. Son métier - car elle revendique qu’être AESH, c’est un métier - elle l’aime. Elle l’aime malgré tout. Malgré le manque de reconnaissance financière, malgré le manque de reconnaissance institutionnelle, et parfois même malgré le manque de reconnaissance de certains enseignants ou enseignantes… « Pas ceux et celles avec qui je travaille, se dépêche-telle d’ajouter, même s’ils ou elles travaillent très différemment, on a réussi à trouver un équilibre dans notre mode de fonctionnement ». Mais le manque de reconnaissance ne s’arrête pas aux portes de l’école ou encore du ministère de l’Éducation nationale… C’est au quotidien que Kelly Petithomme le vit. « J’aimerais tellement pouvoir être fière de dire que je suis AESH, confie-t-elle. Même dans ma famille, je n’ose pas parler des difficultés que je rencontre de peur qu’on me conseille de laisser tomber ce métier précaire ».

Quête de sens

Pourtant, contrairement à nombre de ses collègues, être AESH est un vrai choix pour la jeune femme et non un métier par défaut. Sa mère avant elle avait été auxiliaire de vie scolaire et avait adoré. « Nous discutions beaucoup de ce qu’elle faisait, raconte-t-elle. Je
sentais qu’elle était utile. Ça m’a motivée. Je voulais alors devenir instit avec une spécialisation pour les enfants en situation de handicap ». Après avoir eu un bac sanitaire et social, la jeune femme s’inscrit en licence de psychologie pour passer le concours de PE. Mais cela tombe mal, c’est l’année de la réforme et de la masterisation. « Je n’avais pas les bonnes options, je me sentais larguée, témoigne-t-elle. Et puis, dans ma vie perso, pas mal de choses bougeaient. J’ai laissé tomber ». Après quelques années d’expatriation, Kelly Petithomme rentre en France. Dès son retour, elle postule sur un poste d’AESH. « C’était comme une évidence mais ça n’a pas été simple, raconte-t-elle. J’ai dû faire une demande de RSA pour être recrutée. Il fallait soit être au chômage depuis plusieurs mois, soit en être bénéficiaire. Cela en dit long ! ». Pour Kelly Petithomme, comme pour sa mère avant elle, le métier d’AESH répond à une quête de sens. « Je veux servir à quelque chose, affirme-t-elle. Participer à la mise en place de réponses aux besoins des élèves en situation de handicap m’apporte une grande satisfaction. Je pense à Mathéo (prénom modifié) , le premier élève que j’ai eu en charge. Une orientation SEGPA avait été envisagée pour lui. Entre le suivi extérieur, ce que lui a apporté l’enseignante et mon soutien, il est aujourd’hui en quatrième générale. Je ne dis pas que c’est toujours possible. Mais quand je pense à lui, je me dis que oui, c’est possible et que j’ai ma part dans cette aventure ».

Sous le seuil de pauvreté

Pour autant, la jeune femme n’élude pas les difficultés. Elle relève le peu de formation dont elle a bénéficié et son inadéquation avec ses besoins. « Et puis, depuis qu’on est des AESH mutualisées, nous avons de plus en plus d’enfants à suivre, observe-t-elle. C’est très difficile. Et ça abîme la qualité de ce que je peux leur apporter et donc du plaisir que j’ai à travailler ». Malgré une prise en charge partielle des frais de transports, son salaire reste sous le seuil de pauvreté et Kelly Petithomme ne peut occuper un tel poste que parce qu’elle est en couple. « Au début, j’étais chez mes parents, je ne me rendais pas trop compte que cela ne me suffirait
pas pour vivre, déclare la jeune femme. Aujourd’hui, j’ai des charges, comme tout le monde. Si j’étais seule, j’aurais dû démissionner, je n’aurais pas eu le choix ». Tous les matins, elle fait une heure trente de trajet pour rejoindre sa petite école parisienne, elle qui habite un village de la Seine-et-Marne. C’était un choix stratégique, « si j’avais été AESH dans mon département, on m’aurait envoyée sur plusieurs écoles qui peuvent être distantes de plus de dix kilomètres, explique-t-elle. Je ne suis pas véhiculée et les transports sont quasi inexistants ». En tout, Kelly Petithomme prend les transports trois heures par jour, cinq jours par semaine pour un salaire de 900 euros. De quoi décourager les plus motivés…

                                                       "J'aimerais tellement pouvoir être fière de dire que je suis AESH"

Grégoire Cochetel est ancien formateur INSPE

FsC 486  AESH Grégoire Cochetel ©MILLERAND-NAJA

De quelle formation bénéficient les AESH ?

Les AESH ont « droit » à 60 heures d'une formation d'adaptation à l'emploi lorsqu’elles sont recrutées, comme tout agent contractuel de la fonction publique. Pour bénéficier de ce volume horaire, il faut être recruté en début d’année, sinon c’est moins. Cette formation, même lorsqu’elle est complète, est assez descendante, ce sont surtout des informations utiles et nécessaires mais rarement des outils concrets. Elle est évidemment insatisfaisante. C’est de l’information, pas de la formation. Les textes réglementaires invitent à ce qu’il y ait 60 heures chaque année, ce n'est guère le cas.

Quels sont leurs besoins de formation ? 

Les AESH ont besoin d’être formées à propos des besoins des élèves qu’elles doivent accompagner en collaboration avec les enseignants. Cela ne peut donc être en amont de leur prise de fonction et nécessiterait une formation une fois affectée. À défaut, il serait au moins souhaitable qu’elles aient des temps d’analyse de pratique au cours desquels elles pourraient revenir sur des difficultés de pratique, de positionnement ou des besoins d’outillage. Cette formation s’apparenterait donc plus à de la formation continue.

Quelle est la place de l'AESH dans la relation avec les familles ? 

Comme pour le reste, les AESH doivent être formées à cette dimension de leur emploi. Encore une fois, il serait nécessaire qu’elles bénéficient d’un temps de formation avec les PE où les cadres d’intervention des uns et des autres seraient bien définis et où chacun
trouverait sa place dans le binôme. C’est ensuite que ce binôme pourra intervenir auprès des familles : l’un et l’autre n’ont pas le même rôle à tenir ! L’enseignant reste responsable du projet alors qu'au sens réglementaire, l’AESH ne l’est pas.

FsC 486 AESH

UNE PRIME REP OU REP + EN 2023
Dès le 1er janvier 2023, les AESH verront leur salaire « s’enrichir » d’une prime REP ou REP+ si elles travaillent dans une école labellisée. Une victoire due à la mobilisation du SNUipp-FSU mais une victoire en demi-teinte. Alors qu’enseignantes et enseignants touchent 5114 euros au titre de la part fixe de l’indemnité REP+ et 702 euros maximum pour la part variable, les AESH percevront, quant à elles, 3263 et 448 euros. Pour celles exerçant en REP, cela sera 1106 euros au lieu des 1734 perçus par leurs collègues. Cette différenciation dans l’attribution de l’indemnité est inadmissible et injustifiée et laisse toujours les AESH dans une situation de précarité. Alors que le projet de loi de finances prévoit d’augmenter de 10% les crédits dédiés à la rémunération des AESH, l’impact sur les salaires de chacune est loin d’être aussi évident. En effet, l’amendement évoque le manque d’accompagnement des enfants en situation de handicap à la cantine, ce qui laisse présager une contrepartie à la revalorisation. Cela devient une habitude, rue de Grenelle. Le SNUipp-FSU ne cesse de dénoncer leur situation salariale et les inégalités dont elles sont victimes. Il continue d’interpeller le ministère de l’Éducation nationale pour une reconnaissance de leur métier par un statut et un salaire décent.

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