À Lille, les rythmes scolaires face à la fronde
Mis à jour le 16.07.17
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La ville de Lille a mis les moyens dans la mise en œuvre des nouveaux rythmes mais la particularité du samedi matin comme cinquième matinée d'enseignement provoque des remous. Un collectif de parents et de nombreux conseils d'école demandent une nouvelle organisation de la semaine.
Une année de plus ou pas ? C'est dans les semaines à venir que le Dasen du Nord, Guy Charlot, se prononcera sur l'organisation du temps scolaire à Lille. Car la dérogation qu'a obtenue la ville en 2014 pour travailler le samedi matin arrive à son terme et un collectif de parents se mobilise depuis près d'un an pour réclamer le basculement au mercredi. La mairie, elle, demande une prolongation d'un an « Pour mener une évaluation, objectiver ». À l'époque de la réforme, Martine Aubry l'avait accueillie favorablement et fait le choix iconoclaste de l'école le samedi matin. « La quasi-totalité des pédagogues et chrono-biologistes disent que la coupure du vendredi au lundi matin est trop longue », expliquait-elle alors, « Les enfants se couchent souvent tard et ont du mal à se reconcentrer le lundi ».
Elle avait réuni des directeurs d'école et présenté son schéma sans recueillir l'unanimité ni rencontrer la fronde d'aujourd'hui. Les journées sont raccourcies de 25 minutes avec 1 h 35 de NAP* concentrées sur une après-midi différente d'une école à l'autre. L'objectif est de « pérenniser les équipes et de bénéficier de suffisamment de temps pour offrir des activités de qualité », précise Charlotte Brun, adjointe à l'Éducation. Sur ce point, les avis convergent : il y a du cirque, de l'escrime, de l'art et des modules plus souples en maternelle. Un budget de 3 millions d'euros par an dont la moitié reste à la charge de la commune. « Peu d'enfants n'y vont pas », note Yoan Mathieu PE à l'école Anatole France, « mais on doit laisser nos classes et partager le matériel ». Après les difficultés du début, l'encadrement a été renforcé avec deux adultes par classe voire trois, dont les Atsem en maternelle qui ont dû s'adapter sans contrepartie financière. Une partie de l'entretien a été confiée à une société extérieure. La liaison scolaire/périscolaire n'a pas été aisée partout, il a fallu s'accorder sur les règles. « Là où les équipes jouent le jeu, cela a permis des rapports plus étroits entre enseignants et animateurs », souligne Franck Pellizzari référent périscolaire.
Lille et Hellemmes en désaccord
Ainsi chaque activité du trimestre est discutée avec les enseignants pour qu'elles ne percutent pas les projets d'école, des ajustements se font comme le déplacement de l'anglais du CM à la GS pour ne pas faire double emploi. En revanche sur le samedi matin, là ça coince. Seules seize villes sur l'agglomération de 86 communes ont suivi Lille sur ce point. Hellemmes, commune associée de Lille, compte opter pour le mercredi matin, « Au vu de l'absentéisme, le principe de réalité s'impose », commente Frédéric Marchand le maire délégué. Pour la circonscription Lille- Hellemmes, si les rythmes diffèrent la répartition des remplaçants pourrait devenir un casse-tête, tout comme les animations pédagogiques. « Soit on les double soit on les fait le mercredi après-midi », témoigne Christophe Dubois, CPC. Sur l'absentéisme du samedi matin, une bataille de chiffres fait rage. « Il y a 91% de présents en élémentaire » annonce la mairie. « 36% de présence en maternelle et 76 en élémentaire », répondent les porte-parole du collectif de parents, Ingrid Brulant et Mélanie Legrand. Ce groupement de parents constitué depuis une réunion en mairie en avril 2016 a distribué un questionnaire dans les écoles et épluché les 1 563 réponses. Les critiques portent sur la fatigue des enfants, l'impact du samedi matin sur le temps familial notamment des parents séparés et « les fratries désynchronisées quand un enfant est au collège et l'autre en primaire ». Consultés en février, la majorité des 82 conseils d'école ont demandé classe le mercredi... « Nous avons insisté pour que les conseils d'école se tiennent, que les collègues puissent s'exprimer », rappelle Yves-Marie Jadé, secrétaire départemental du SNUipp 59, « ensuite quelle que soit la 5e matinée il faut un travail avec les familles pour que les enfants soient à l'école. »
Le débat mercredi / samedi a occulté le reste
Sur ce point, les écoles Bichat et Littré, dans le quartier très populaire du Faubourg de Béthune, font figure de bonnes élèves avec des classes quasiment au complet le samedi matin, « Du moment où cela a été adopté, on a tout fait pour que ça fonctionne », explique le directeur de l'élémentaire Xavier Dumont, « sans rien faire d'exceptionnel ». Ici pas de présentations aux parents comme ailleurs, mais « des apprentissages dans une ambiance particulière, plus détendue » et des rencontres facilitées avec les parents. Les débats ont traversé l'équipe comme ailleurs mais finalement eux souhaitent maintenir le système actuel. Tout comme les centres sociaux qui ont gardé leur mercredi avec le budget et les animateurs inhérents, « La fréquentation du centre le mercredi est restée la même », signale Véronique Cormont directrice du CS Mosaïque. « S'il y avait école le mercredi, ce serait beaucoup plus compliqué ». Dans ce débat mercredi / samedi, chacun campe donc sur ses positions, « et cela a occulté une réflexion de fond sur le rythme de la semaine et de l'année scolaire », regrette Anne Goffard, présidente de la FCPE Nord. Même constat à la maternelle Bichat : « Nous avons préféré remonter des demandes d'aménagement sur la semaine », précise le directeur Olivier Delrue. L'école aimerait dissocier les rythmes des tout-petits et des grands, gagner un quart d'heure de plus le matin pour avoir une après-midi entière de NAP, « Cela deviendrait difficile de rester gratuit pour les familles », prévient l'adjointe au maire. Comme dans un jeu de dominos, chaque mouvement enclenche une cascade de conséquences humaines, financières. Alors, à un mois du premier tour des présidentielles, quel sera le devenir de cette réforme ? Nombre de mairies, comme à Lille, préfèrent attendre et laisser le jeu en place.
* Nouvelles activités péri-éducatives.
Un bilan en demi-teinte de l'Inspection générale
La publication du rapport de l'Inspection générale longtemps réclamée par le SNUipp-FSU a enfin été effective le 10 juin dernier. Il ne répond pas à la question de l'efficacité pédagogique, en l'absence d'outils d'évaluation mais questionne l'intérêt de cette 5e matinée de classe mise au profit des apprentissages. En revanche, le rapport met en garde contre les risques d'absentéisme, notamment en maternelle, contre « l'alourdissement des semaines des enfants » et le resserrement sur les « fondamentaux ».
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