Projet de programme d’EMC : retour en arrière
Mis à jour le 25.04.24
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Le 30 janvier 2024, le Conseil Supérieur des Programmes (CSP) a dévoilé son projet de révision des programmes d’Éducation Morale et Civique (EMC). Bien que ce texte n’ait pas encore été soumis au Conseil Supérieur de l’Éducation (CSE), et que son sort demeure incertain quant à son adoption par le gouvernement, il suscite déjà des préoccupations en s’éloignant fortement de la philosophie des programmes de 2015.
Abandon des cycles
Tout comme pour les projets de programmes de français et de mathématiques en cycle 1 et 2, l’architecture générale du texte est marquée par l’abandon des cycles. Cette approche, axée sur des repères annuels, entrave toute démarche pédagogique spiralaire qui favorise la révision des concepts en approfondissant les contenus au fil du temps.
Mise en avant de l’empathie
La mise en avant de l’empathie et des compétences psychosociales soulève des interrogations. Si développer ces compétences est important, quid de la finalité de cet apprentissage ? S’agit-il de favoriser un esprit critique et une meilleure compréhension de l’altérité, ou simplement d’encourager l’acceptation des différences sans promouvoir l’égalité entre les individus ?
Des notions hors contexte
Une lacune majeure du texte réside dans son absence de contextualisation permettant de donner des clés de compréhension des notions. Par exemple, l’Éducation au Développement Durable (EDD) est réduite à une simple liste de comportements individuels, sans analyse des contextes, des causes et des effets systémiques qui relèvent de choix collectifs et de société. La question des références historiques est également préoccupante. Si l’apprentissage du premier couplet de la Marseillaise au CE1 est proposé, peut-il réellement être compris sans une connaissance du contexte historique de la Révolution française ? En comparaison, les programmes de 2015 prévoyaient d’aborder la Marseillaise dans son ensemble, avec une programmation sur plusieurs cycles.
Brouillage des valeurs
La laïcité est associée à la liberté, l’égalité et la fraternité, dans le référentiel. Or c’est un principe d’organisation de notre société, et non une valeur. Dans le Café pédagogique, en 2020, Sylvain Connac et Gwendoline Ecalle rappelaient que la laïcité « est un principe qui permet de susciter et défendre des valeurs. En France, les valeurs de la République sont triples : liberté, égalité et fraternité (...) Or, pour autoriser la fraternité à naître entre des personnes différentes, il faut un levier : c’est celui que permet la laïcité ».
Dans un autre registre, le champ sémantique de la nation est fortement présent (115 occurrences) dans le texte. En revanche, l’Europe en tant qu’espace politique d’exercice de la citoyenneté est peu abordée, voire absente pour l’école élémentaire. Le Parlement européen n’est mentionné qu’en 6ème, et de manière marginale.
Ce projet de modification des programmes d’EMC soulève de nombreuses inquiétudes quant à son orientation idéologique et son impact sur l’éducation des élèves. Il est impératif de rester vigilant·es et mobilisé·es pour défendre une éducation civique et morale, favorisant la réflexion, la compréhension et la promotion des valeurs démocratiques.