OZP “Cultiver le plaisir d’apprendre et d’enseigner”

Mis à jour le 03.06.24

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Chercheuses, chercheurs, enseignantes et enseignants de maternelle sont venus présenter leurs travaux au séminaire de l’OZP qui s’est tenu le 25 mai dernier. Des pratiques, des analyses et des leviers pour agir qui sont aux antipodes du “choc des savoirs” du ministère.

L’enjeu est de prévenir la transformation des écarts initiaux en inégalités face aux exigences scolaires” lance Viviane Bouysse, inspectrice générale de l’éducation nationale honoraire, spécialiste de l’école maternelle, en introduction du séminaire de l’OZP “Cultiver le plaisir d’apprendre et d’enseigner”.

Pour une scolarisation réussie

Si, pour Christophe Joigneaux, professeur des universités en Sciences de l’éducation, les projets de programme peuvent répondre d’apparence à un besoin de repères pour certains enseignants, ils restreignent d’autant plus la liberté pédagogique”. Une flexibilité pourtant indispensable pour s’adapter aux besoins des jeunes enfants. “Un enfant peut avoir 4 ans en janvier de petite section quand un autre en aura 4 en décembre.” précise Viviane Bouysse. Sans tenir compte des écarts de maturité et de compétences, “en imposant un rythme rigide, ces programmes risquent d’accroître les inégalités” complète le chercheur.

"Des dispositifs existent pour prendre en compte les rythmes et les besoins spécifiques des jeunes enfants", ajoute Blandine Tissier, IEN émérite. Le fonctionnement des TPS donne des pistes pour améliorer les conditions de scolarisation et de réussite. Ces classes ont pour objectif de scolariser les enfants éloignés de la culture scolaire pour des raisons sociales, culturelles ou linguistiques. Blandine Tissier, ayant travaillé et mené des enquêtes sur ces dispositifs, explique que "non soumis à l’obligation scolaire, le dispositif TPS permet de mettre en place un projet de scolarisation adapté à chaque enfant.”

Cette ancienne IEN observe plusieurs paramètres au service des élèves comme un aménagement bien pensé pour sécuriser affectivement ou encore un projet multipartenarial en se rapprochant des structures de la petite enfance pour mettre en confiance les familles.

Des “fondamentaux” à redéfinir

Mireille Brigaudiot, enseignante-chercheuse en sciences du langage honoraire et co rédactrice des programmes de 2015 place le langage au centre comme vecteur de réussite. “il ne se quantifie pas, on ne peut l’évaluer par des grilles comme la langue, il fait partie de l’enfant, c’est sa pensée” précise-t-elle. Sa recherche action co-menée avec une enseignante de TPS en REP+ révèle que les jeux symboliques, indispensables au développement du langage, permettent des activités intellectuelles de haut niveau.

Pour Christophe Joigneaux, les projets de programmes au cycle 1 imposent “un empilement de tâches avec lequel l’enseignant devra se débrouiller au risque de bachoter”. Jacques Douaire quant à lui, formateur en mathématiques et co-auteur de Ermel, soutient que les connaissances diverses des élèves doivent être prises en compte dès le début de l’année pour réaliser une réelle progression. “L’objectif des problèmes est de permettre aux élèves de changer de procédure, d’apprendre à chercher et non pas pour chercher” explicite-il.

Reconnaître la diversité des besoins et des compétences

Apprendre autrement, changer ses pratiques pour respecter les besoins des élèves, c’est le leitmotiv de Ludivine Dulhoste et Stéphanie Pryen, enseignantes en GS dédoublées et maitresses-formatrices. Elles ont construit un projet de co-enseignement, en lien avec le CP, mêlant petits groupes et grands groupes, ateliers par domaines en intérieur comme en extérieur, qui permet à chaque élève de progresser à son rythme au sein d’un collectif. Un travail d’équipe indispensable qu’elles ne comptent pas abandonner.

Viviane Bouysse complète que “ce n’est pas un problème pour un élève d’être avancé, ce qui compte pour réduire les inégalités, c’est de ne pas considérer les élèves moins avancés comme des élèves en difficulté. Ils ont d’autres besoins et d’autres compétences”.

“La première année de maternelle constitue souvent la première séparation avec les parents. "Une rentrée réussie, préparée avec les familles sur la durée, fait partie des conditions pour une scolarisation réussie” affirme Blandine Tissier. Construire une relation de confiance avec les élèves comme les parents est une condition nécessaire pour que les élèves osent se développer.

Les interventions ont souligné la nécessité d’une école maternelle flexible, axée sur le développement global de l’enfant et sur des approches pédagogiques inclusives et adaptées aux rythmes individuels. 

La préservation du jeu et de la spontanéité, ainsi que l’importance d’un environnement rassurant et stimulant, sont des éléments clés pour réduire les inégalités dès le plus jeune âge. Des conclusions dont devrait s’inspirer le ministère.