Maternelle, qu'est-ce qui se dessine?
Mis à jour le 25.03.18
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Le SNUipp-FSU rappelle le projet et l'ambition qu'il porte pour cette "grande école des petits"
Le ministère lance les Assises de la maternelle, laissant présager une remise en cause des programmes de 2015. Ces derniers dessinent pourtant les contours d’une école bienveillante et exigeante, dont les spécificités sont bien affirmées et évitent l’écueil de la primarisation.
Les programmes viennent tout juste d’être mis en application, leur impact n’a pas été évalué et déjà il faudrait tout remettre sur le tapis ? Le ministère organise cette semaine Les Assises de l’école maternelle. Il recommande de mettre en évidence comment la « dimension affective et la préparation aux apprentissages fondamentaux se renforcent au sein de l’école maternelle ». De plus une mission a été confiée au neuropsychiatre Boris Cyrulnik, avec pour idée directrice de faire de la maternelle « l’école de l’épanouissement et du langage ». La messe est-elle déjà dite ?
Les conférences vont durer deux jours et devront notamment mettre en lumière « les bonnes pratiques ». Parmi ces dernières, la méthode PARLER présentée comme « efficace » refait surface. Elle a été expérimentée entre 2005 et 2008, mais son évaluation par le ministère lui-même a été très négative. Du coup, le SNUIP-FSU s’interroge : « S’agit-il de remettre en cause les programmes de 2015 accueillis favorablement par les enseignantes et enseignants de maternelle et dont ils déplorent le manque d’accompagnement ? »
Cet accueil par la communauté éducative ne doit rien au hasard. Ces programmes dessinent les contours d’une école maternelle bienveillante et exigeante, soucieuse du développement langagier, sensoriel, culturel, corporel et social de tous les enfants. Fondée par l’inspectrice générale Pauline Kergomard en 1881, comme un lieu spécifique, pourvu d’une pédagogie adaptée aux jeunes enfants, l’école maternelle a subi plusieurs transformations tout au long de son histoire. La plus décriée fut celle des programmes de 2008, la faisant entrer dans un processus de « primarisation ». Ils assignaient des objectifs à atteindre pour donner les bases en fin de GS des apprentissages débutant au CP. Pourtant, « il n’y a pas trop de trois ou quatre années pour bâtir des séances journalières et programmées qui permettront à l’élève de mobiliser des habiletés qui l’aideront tout au long de sa vie », commente l’universitaire Véronique Boiron, spécialiste du langage. « L’enseignement du langage oral ne se réduit pas au lexique. On peut tous apprendre des listes de mots et être ensuite bien incapables de formuler une demande, de se faire comprendre. Le risque est de se mettre dans une logique de systématisation des tâches qui ne conviennent pas aux enfants de maternelle ».
Cet esprit, l’école de Salles d’Aude, village audois, sait le faire vivre. L’équipe a mis les programmes à sa main, en créant un dispositif, Des albums pour le dire, réalisés par les élèves et servant de support à leurs apprentissages tout au long du cycle. « Les albums donnent du sens aux apprentissages pour les enfants. Ils favorisent les interactions avec les familles autour de ce qu’on fait à l’école puisqu’ils les ramènent régulièrement à la maison », explique Cendrine, l'une des enseignantes.
Parmi les enjeux posés lors des Assises : la scolarisation des moins de trois ans. La question sera abordée par le biais du besoin de sécurité affective du jeune enfant. Question légitime et importante à laquelle les enseignantes et les enseignants de maternelle savent répondre. Mais cet accueil réclame des conditions et une organisation particulières avec des enseignants volontaires et formés. Pouvoir être attentif à leurs besoins propres, les aider dans leur socialisation, le développement du langage, requiert des classes spécifiques avec des effectifs réduits comme le prévoyait le dispositif moins de 3 ans. « En France, il y a des progrès à faire en termes de sécurisation du jeune enfant. Tout d’abord les effectifs qui sont parmi les plus lourds des pays occidentaux. Comment avec ces effectifs assurer les besoins de sécurisation, d’interactions, le travail sur le langage en petits groupes ? » demande Pascale Garnier, professeure en sciences de l’Éducation.
L’école maternelle des Primevères à Colmar (Haut-Rhin), ne compte que deux classes et n’accueille que des enfants de 2 à 4 ans. « À deux ans, on ne peut être ni dans l’injonction, ni dans la pédagogie du modèle, il faut trouver d’autres voies, les zones proximales et capter leur attention. On va vers les attendus de fin de cycle mais tout est une question de rythme et de dosage des activités, une intuition construite par la pratique », explique Caroline Sanchez, PEMF et directrice de l’école, soulignant que dans les Espé cette formation fait défaut. Dans une note publiée en mars, le Conseil d’analyse stratégique insiste sur le coût de la scolarisation des 2-3 ans. On peut redouter qu’il soit entendu alors que l’on sait l’impact positif de cette scolarisation pour les enfants des familles les plus éloignées du système scolaire.
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