Marine Le Pen : décryptage d’un programme

Mis à jour le 19.04.22

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A quelques jours du second tour, le SNUipp-FSU analyse 5 points du programme de Marine Le Pen.

Ecole, laïcité, climat, société, pouvoir d’achat : les propositions de Marine Le Pen sont passées au crible.

Le Pen et l’école : l’anti-thèse de l’émancipation

Le rapport de Marine Le Pen à l’école pourrait se résumer à quatre mots : instruction - sélection - stigmatisation - mise au pas.
En centrant l’ensemble de ses mesures “pédagogiques” sur les “fondamentaux” (français, mathématiques, histoire de France revisitée et enseignée comme “roman national”) et en imposant des méthodes de transmission verticales et uniformes, Marine Le Pen communique sans partir du réel et des besoins des élèves. Jouant sur la mythologie du “c’était mieux avant”, elle entre en contradiction avec toute la recherche pour qui de telles mesures seraient une catastrophe en termes de réussite des élèves comme de démocratisation scolaire. En prime, en voulant supprimer l’enseignement des langues et cultures d’origine, elle nie la diversité des origines des élèves et les livre à toutes les structures privées, parfois anti-laïques et financées par des pays étrangers.
C’est ensuite un autre mythe que Marine Le Pen cultive, celui de la méritocratie via la sélection. Une fois encore, sans s'embarrasser des apports de la recherche sur les liens entre origine sociale et réussite scolaire, elle promeut l’abaissement de l’âge de l’apprentissage, la fin du collège unique et celle de l’éducation prioritaire. C’est donc un projet qui va éloigner les classes populaires d’une école émancipatrice et qui renforcera la reproduction sociale. C’est une école du tri social qui est annoncée, loin de l’image de protectrice des classes populaires que Mme Le Pen veut se donner.
Enfin, Marine Le Pen agite des épouvantails stigmatisants. Elle promet la suspension des allocations familiales et des bourses aux familles dont les enfants présenteraient des soucis d’assiduité, là où celles-ci auraient davantage besoin d’aide et d’accompagnement. Quant au corps enseignant, elle ne dit rien sur les nécessaires recrutements, entend supprimer la formation professionnelle, promet une légère revalorisation conditionnée au “mérite” et envisage une mise au pas des personnels sous couvert d’une “exigence de neutralité absolue en matière politique, idéologique et religieuse”…
Concrètement, c’est une école transformée dans ses valeurs et des métiers d’exécutant·es que projette Marine Le Pen. Une école faite pour sélectionner et sans ambition pour les classes populaires : du Blanquer, en pire.

Pouvoir d’achat : une imposture sociale

Un des princ ipaux axes de campagne de Marine Le Pen est sa volonté de se placer du côté des classes populaires. Ces dernières ont souffert du quinquennat précédent en voyant leur pouvoir d’achat s’effondrer par la stagnation des salaires et la hausse du coût de la vie, notamment de l’énergie.  Aidée dans son discours par la politique d’Emmanuel Macron qui a clairement favorisé les plus riches, Marine Le Pen ne trace pour autant pas, au travers de son programme, un chemin qui soit nettement plus profitable à la majorité de la population.  Sur la question salariale, Marine Le Pen se limite en effet soit à une annonce non financée (3% pour les enseignant·es), soit à laisser aux entreprises le soin d’augmenter le salaire de leurs employé·es… et ce au bénéfice d’un allégement de cotisations. Ce qui revient à diminuer les rentrées fiscales servant à financer les services publics. 

La seule annonce qui permettrait de façon directe d’augmenter le pouvoir d’achat des français·es est la baisse de la TVA sur l’énergie. Cette mesure, plus que contestable du point de vue écologique et qui serait appliquée sans distinction du niveau de revenus, n’est accompagnée d’aucune autre pourtant nécessaire : rien sur l’augmentation immédiate du SMIC, rien sur le dégel du point d’indice, rien sur une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité… et pour cause ! Marine Le Pen n’adopte aucune mesure de justice sociale via une fiscalité de taxation des plus riches. Son programme ne dit rien sur le rétablissement de l’ISF, la taxation des dividendes ou des flux financiers ; au contraire, elle entend bien poursuivre la baisse des impôts de production des entreprises. Le projet de Marine Le Pen est une imposture sociale.

Racisme et xénophobie : la dédiabolisation de façade

Loin de la dédiabolisation à l'œuvre, il ne faut pas gratter longtemps le vernis pour retrouver sous le programme du Rassemblement National la couleur de l’ancienne flamme du Front National. La préférence nationale est toujours la pierre angulaire d’un discours présentant les immigré.es comme boucs émissaires des maux de la société. Pour Marine Le Pen, elle doit s’appliquer dans l’accès à l’emploi ou aux logements… Concrètement cela veut dire environ un million de personnes expulsées de leurs logements et la mise au chômage de plus d’un million de salarié·es.
Cette proposition nie l’apport majeur de l’immigration en France, aussi bien culturellement qu’économiquement et appauvrirait considérablement l’ensemble de la population. Marine Le Pen entend diviser ainsi la société française sur des bases ethniques alors que les fractures sont ailleurs : sociales, territoriales, fiscales…
Par exemple, un partage plus équitable des richesses permettrait sans difficultés majeures de financer le plein emploi comme le logement décent pour toutes et tous.
Et pour s’assurer que cet “ordre” règne, Marine Le Pen veut étendre les pouvoirs de police en la dotant d’une présomption de légitime défense. Alors que les affaires de violences policières et la répression des mouvements sociaux ont émaillé le quinquennat actuel, la réponse de Marine le Pen serait de les légitimer davantage.

Laïcité : une instrumentalisation excluante

Véritable lubie de Marine Le Pen, la laïcité est pourtant complètement dévoyée et instrumentalisée afin de stigmatiser et d’exclure la population musulmane, et notamment les femmes, de l’espace public et scolaire. Elle laisse volontairement planer l’idée mensongère d’une “propagande islamiste” omniprésente qu’elle prévoit d’interdire au “cinéma, dans la presse comme à l'école”. Mais pour Marine Le Pen la question laïque se résume surtout à une obsession : le voile. Sa proposition est simple : le supprimer de tout l’espace public. Une proposition profondément anti-laïque. En effet, la loi de 1905 garantit la liberté de croire comme de ne pas croire et la libre expression de la croyance religieuse dans l’espace public s’il ne constitue pas un trouble (lien 4 pages laïcité). On est donc à l’opposé du texte comme de l’esprit de la loi sur la laïcité française, loi de compromis et de concorde.
A minima, c’est l’accompagnement des sorties scolaires par des femmes voilées qui est visé. En méconnaissance totale de la réalité du terrain où les situations problématiques sont extrêmement rares, il s’agit d’écarter un peu plus les musulmanes de la communauté éducative.
Dans ces deux hypothèses, les croyant·es d’une seule religion sont visé·es : les musulmanes et musulmans. Marine Le Pen entend bien instrumentaliser la loi de 1905, qui favorise le vivre-ensemble, afin d’exclure des pans entiers de citoyennes et de citoyens.

Écologie : la fausse route.

Le rapport du GIEC est formel : il faut agir dès maintenant pour éviter les effets les plus dévastateurs du changement climatique. Pourtant, à la lecture du programme de Marine Le Pen, ce rapport ne semble pas avoir impacté la rédaction de la partie écologie de la candidate d’extrême-droite. Celle-ci souhaite démanteler le parc éolien, ce qui va diminuer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français, une aberration au vu de l’importance de l'utilisation d’énergies décarbonées. La construction de six réacteurs nucléaires qu’elle prévoit montre que la seule logique poursuivie est un schéma consumériste qui incite à produire et consommer toujours plus. Elle propose aussi de baisser la TVA sur l’énergie ce qui va à l’encontre de la réduction de la consommation et de la production de gaz à effet de serre. C’est un écran de fumée qui cache derrière une proposition alléchante de réduction des prix de l'énergie, la négation de l’urgence climatique par la surconsommation. Une bien mauvaise réponse à la question du pouvoir d’achat et une voie sans issue pour la planète et les générations actuelles et futures.

Le programme de Marine Le Pen, que ce soit sur les questions scolaires, climatiques ou plus largement sociales et sociétales, est profondément réactionnaire et dangereux à bien des égards. Il est à l'opposé de la vision et des valeurs d'émancipation, d’égalité et de solidarité que porte le SNUipp-FSU pour l’école et la société. Le syndicat réaffirme sa détermination à lutter contre l’extrême droite et à l’empêcher d’arriver au pouvoir.