L’inclusion, oui ! Mais comment faire?

Mis à jour le 14.03.25

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Vingt ans après la loi de 2005, si l’inclusion scolaire est une réussite quantitative, elle échoue à mener l’ensemble des élèves au même niveau d'acquisitions. Privée des moyens suffisants, sa mise en œuvre constitue le principal sujet de tension pour les PE et les AESH. La FSU-SNUipp entend ouvrir un grand débat public et obtenir du gouvernement les investissements pour enfin réaliser l’école inclusive.
À cette fin, le syndicat majoritaire lance à partir du 20 mars une enquête flash à grande échelle « L’inclusion, oui ! Mais pas comme ça… ». Un questionnaire invitera les personnels à exprimer leur niveau de satisfaction concernant les conditions de scolarisation des élèves et leurs conditions de travail et énoncer leurs revendications prioritaires parmi les sept propositions suivantes.

Créer plus de postes de PE spécialisés

Depuis 2007, les effectifs des Rased ont été réduits de plus d’un tiers et même en Ulis, plus d’un tiers des personnels ne sont pas spécialisés. La Cour des comptes pointe que le nombre insuffisant d’enseignantes et enseignants spécialisés affaiblit la capacité de l’école à répondre aux besoins des élèves. En Italie, où la loi impose la présence d’un personnel spécialisé dans la classe accueillant au moins un élève en situation de handicap, le ratio est d’1 PE spécialisé pour 1,69 enfant contre 1 pour 8 en France. Pour sortir les PE ordinaires de l’isolement, la recherche en éducation souligne que l’expertise, l’éthique et la professionnalité des PE spécialisés, entre pédagogie du projet et adaptation des enseignements, constituent un appui fort.

Dégager du temps de concertation

Dans un contexte d’accroissement de l’hétérogénéité des classes, la différenciation pédagogique et l’adaptation de l’enseignement occasionnent un surcroît de travail. À cela s’ajoute le travail collaboratif à mener notamment entre PE et AESH. Face à l’émiettement croissant du temps d’accompagnement, le temps formel manque pour construire et entretenir la relation professionnelle. Pour dépasser les échanges informels, dégager des temps quotidiens de briefing/débriefing, discuter entre pédagogues des dilemmes entre adaptation et objectif commun, la généralisation des temps de pondération en REP+ peut constituer une première étape de déconnexion du temps scolaire des élèves et du temps de travail PE, à l’instar du second degré.

Développer les équipes pluriprofessionnelles

Penser seul sa classe est désormais impensable pour délivrer un enseignement adapté à tous les élèves. Or, le cloisonnement entre l’école et les métiers du secteur médico-social (ergothérapie, psychomotricité, éducation spécialisée…) nuit aux dynamiques inclusives. Il favorise l'isolement, voire la souffrance des PE. Qu’elle concerne l’intervention auprès des élèves ou le conseil aux PE, la mise en commun de pratiques et d’expertises professionnelles diverses permet de déculpabiliser, prendre du recul et proposer des ajustements. Elle est source de richesse, de mutualisation de matériels et de création de supports pédagogiques. Installé dès la maternelle, le partenariat au sein d’une équipe pluriprofessionnelle est propice à la cohérence des réponses aux besoins des élèves.

Ouvrir davantage de places en établissements spécialisés

Faute de places dans le secteur médico-social, 24 000 élèves avec une notification seraient scolarisés en classe ordinaire. Stables depuis 2005, les places en établissements spécialisés ne suffisent pas à couvrir toutes les orientations prononcées par la MDPH. L'engorgement provoque un effet cascade : en attente d’IME, des enfants vont en Ulis empêchant d’autres élèves d’intégrer le dispositif. L’inégale répartition territoriale des structures spécialisées pèse également sur des mesures compensatoires qui ne répondent pas aux besoins de l’enfant mais sont fondées sur l'offre locale. La coopération entre éducation nationale et services médico-sociaux prévue par la loi tarde à se concrétiser, laissant les PE non spécialisés seuls en charge de l’inclusion.

Recruter des AESH formées avec un vrai statut

Constituant le deuxième métier de l’éducation nationale, les 132 000 AESH accompagnent deux tiers des élèves en situation de handicap. Sans attribution pédagogique, sans formation, ni rémunération digne, elles se voient confier les élèves parmi les plus en difficulté du système scolaire. La précarité de leur statut et la pénibilité de leur exercice professionnel occasionnent d'importantes difficultés de recrutement. Palliant les carences en moyens et personnels enseignants et médico-sociaux, l’attribution d’une AESH tient trop souvent lieu de mesure d’urgence pour contenir des comportements jugés inadaptés à la forme scolaire actuelle. Augmenter le nombre d’AESH sans en faire un vrai métier ne peut répondre aux enjeux modernes d’une école inclusive émancipatrice.

Réduire les effectifs dans toutes les classes

La scolarisation en milieu ordinaire est le contexte le plus favorable aux acquisitions scolaires. Trois-quarts des élèves en situation de handicap (ESH) en bénéficient mais dans des classes qui restent parmi les plus chargées d’Europe. La prise en compte des élèves d’Ulis dans les effectifs scolaires, offi cielle depuis 2019, reste encore soumise à variation locale. Et elle n’est en rien comparable au plafonnement réglementaire à 20 élèves par classe dès la présence d’un ESH, pratiqué en Italie. La réduction du nombre d’élèves permet, en effet, de répondre à l’hétérogénéité par l’observation, l’analyse des obstacles aux apprentissages et la mise en place des adaptations nécessaires.

Renforcer la formation sur les temps de travail

En formation initiale, seules 25 heures sont fléchées par le ministère de l’Education nationale sur l’école inclusive au sein d’un master d’environ 800 heures. Faute d’outillage professionnel pour faire face à la diversité des élèves, l’école inclusive tend à médicaliser l’échec scolaire. L’accessibilité universelle des enseignements au cœur de la logique inclusive ne peut supporter que la formation à cette révolution pédagogique soit traitée de manière accessoire par l’institution, condamnant les PE au « bricolage ». Pour qu’il soit fructueux, le nécessaire dialogue inter-métiers entre PE, ordinaires et spécialisés, et le secteur médico-social ne s’improvise pas davantage. Même la Cour des comptes plaide pour le renforcement des modules de formation spécifique à l’inclusion.

Retrouver ces propositions à afficher en salle des maîtres

webinaire inclusion

Participer au webinaire organisé le mardi 18 mars, 20h