École et sexualité
Mis à jour le 02.10.18
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L’éducation à la sexualité peine à trouver sa place à l’école à la fois pour des raisons de tabous mais aussi par manque de formation.
Éducation… sexuelle, deux mots qui mis côte à côte font pleuvoir les réactions et ouvrent, l’actualité l’a encore montré récemment, la boite à fantasmes. Le ministre de l’Éducation nationale lui-même a dû intervenir et a fait paraitre une nouvelle circulaire (lire p. 23) en cette rentrée afin de réaffirmer le cadre de cet enseignement au sein de l’école alors que des groupuscules tentent d’instrumentaliser les peurs de familles peu ou mal informées.
Dès 1973, la circulaire dite Fontanet indique que « les fables racontées aux petits et le silence (…) sont devenus inacceptables du fait de la civilisation ambiante, de l’évolution des modes de vie et du recrutement mixte des établissements ». S’il s’agissait de répondre aux enjeux de société posés par une révolution sexuelle en plein essor mais qui laissait de nombreux jeunes sans information, l’approche était quasi uniquement hygiéniste. Dans les années 80 avec l’apparition du SIDA cette approche préventive s’est trouvée renforcée écartant une véritable éducation à la sexualité.
DONNER DES REPONSES
Il faudra attendre 2001, puis la circulaire de 2003, pour que « l’éducation à la sexualité en milieu scolaire » soit inscrite comme une « composante essentielle de la construction de la personne et de l’éducation du citoyen ». Des objectifs posés en forme de résistance pour « permettre aux jeunes de mieux analyser et appréhender les multiples messages médiatiques et sociaux qui les assaillent quotidiennement ». Sous-entendu, si l’école ne remplit pas son rôle la société marchande et la pornographie s’en chargeront. Un enjeu qui est posé comme fondamental par le sociologue Michel Bozon qui fait de l’éducation aux médias et au tri de l’information la priorité des séances d’éducation sexuelle, rappelant que « les enfants et les jeunes iront de toutes les manières chercher la réponse à leurs questions ». Car c’est bien un paradoxe et la persistance d’une forme de puritanisme de notre société, notamment des milieux conservateurs, que de constamment vouloir laisser cette question à l’extérieur de l’école alors qu’elle a complètement envahi l’espace public sous des formes qui sont loin de promouvoir l’égalité, le respect ou encore le consentement entre les personnes.
DES TABOUS À DÉPASSER
Aussi on en parle beaucoup, mais on ne fait pas tant que ça de séances d’éducation à la sexualité à l’école, comme le rappelait le rapport du Haut conseil à l’égalité en 2016. Il pointait que seulement 25 % des établissements organisaient les trois séances annuelles inscrites au programme. Car il ne s’avère pas facile pour les enseignants de traiter d’une question qui s’inscrit pour partie dans l’intimité de la personne et que l’on pourrait avoir tendance à laisser à la sphère familiale. C’est pourtant souvent un des derniers endroits où les enfants et les jeunes souhaitent poser leurs questions. Pour cela il est indispensable de développer la formation des enseignants comme le rappellent, sous forme de vœu pieu, les circulaires de 2003 ou encore celle toute récente de 2018. Car c’est bien dès le plus jeune âge que l’on peut commencer à déconstruire les idées reçues sur les questions relatives à la sexualité et à l’anatomie, lever les tabous, questionner les normes, favoriser les échanges lutter contre le sexisme et toutes les formes de violence liées la sexualité. Une approche globale qui est notamment portée par le Planning familial (lire ci-dessous).
CAROLINE REHBI FARIN co-présidente nationale du Planning familial
L'éducation à la sexualité a-t-elle sa place à l'école ?
L’éducation à la sexualité est à inscrire dans une approche globale et ce dès le plus jeune âge. Le grand public se représente mieux notre action à partir du secondaire sur des questions de prévention des MST ou de contraceptions. Mais dès l’école primaire, depuis tout petit, on peut travailler au vivre ensemble dans une perspective d’égalité entre les filles et les garçons. Les enfants ont beaucoup à dire sur l’égalité, dans la cour de l’école notamment. Des « jeux » malheureux comme les soulevés de jupes permettent d’aborder la question du consentement et du respect du corps de l’autre. C’est une démarche qui doit s’inscrire dans le quotidien de la classe, comme quelque chose de régulier et de normal pour le bien-être des élèves.
Quelle approche pour l'école ?
L’objectif reste de permettre un développement psychosocial harmonieux en apprenant à connaître ses émotions et de faire de la prévention. On peut partir de ce que les élèves vivent dans leurs relations sociales à l’aide de petites saynètes. Elles permettent d’engager un dialogue sur « ce qui me rend heureux ou pas » et d’aborder le respect de soi et des autres en les aidant à se protéger. Quand on est petit on a le droit de ne pas accepter des choses. Les différences filles-garçons sont également un sujet de prédilection et on en parle jusqu’à aborder les questions de puberté en fin d’école primaire. C’est quoi l’amour, l’amitié ? Est ce qu’on peut être amoureux quand on a 7 ans ? Accepter qu’on nous touche ou pas, être amoureux, tout ça c’est de la sexualité et dans ce sens on fait de l’éducation à la sexualité.
Proposez-vous des outils pour la classe ?
Avec les plus petits, le programme PRODAS*, d’origine canadienne, a été expérimenté depuis une dizaine d’années dans différentes académies. Il permet de travailler sur le développement des compétences psychosociales et de former des adultes. Ce qui est important c’est de réaffirmer que l’éducation à la sexualité ce n’est pas faire de la sexualité et que ce terme ne se réduit pas au sexe mais bien à une approche globale. On doit partir des représentations des enfants et aborder les émotions, les représentations du corps et il y a de réels besoins. Il y a quatre ans, l’évaluation du programme a pu montrer que le climat scolaire se trouvait amélioré, apaisé et que les élèves exprimaient mieux leurs émotions. * Programme de développement affectif et social
Une nouvelle circulaire
« L’éducation à la sexualité se fonde sur les valeurs humanistes de liberté, d’égalité et de tolérance, de respect de soi et d’autrui. Elle doit trouver sa place à l’école dans un esprit de laïcité, de neutralité et de discernement (…) L’enfance et son intimité sont pleinement respectées. » Dès son préambule la nouvelle circulaire du MEN sur l’éducation à la sexualité, parue au BO du 12 septembre , vient cadrer et tenter de rassurer sur les objectifs de cet enseignement à l’école. Elle rappelle qu’il se trouve à la croisée de plusieurs champs, « biologique, psycho-émotionnel, mais aussi juridique et social » et qu’il vise à « favoriser l’estime de soi, le respect de soi et d’autrui ». La circulaire donne également un cadre de mise en œuvre rappelant qu’il s’agit de « développer chez les élèves des savoir-être et des comportements respectueux et responsables » et « qu’à l’école élémentaire il ne pourrait s’agir d’une éducation explicite à la sexualité ». Neuf thématiques sont proposées à l’étude devant prendre en compte les étapes de maturation des élèves. On y trouve notamment « l’étude et le respect du corps, le droit à la sécurité et à la protection, l’égalité entre les filles et les garçons ou encore la prévention des violences sexistes et sexuelles ».