Budget 2024 : douche froide pour le 1er degré
Mis à jour le 15.11.23
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Le gouvernement a présenté à l'Assemblée Nationale son projet de loi de finances pour 2024. Adopté en première lecture après recours à l'article 49.3 de la Constitution par la Première ministre, le volet Éducation nationale de ce budget ne répond en rien aux enjeux et moyens dont l’école a besoin.
Le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse fait partie de ceux qui voient leur budget augmenter : 3,9 milliards d’euros (Md€) de plus en 2024, portant le budget pour l’enseignement à 64,2 Md€. Le premier degré voit son budget passer à 26,84 Md€, soit une hausse de 4,58%.
Si sur le papier ces chiffres peuvent paraître conséquents et permettent au ministre de poursuivre ses coups de communication de manière triomphante, la réalité est celle d’un budget insuffisant.
Une augmentation faussée ?
En réalité, le budget en euros “constants”, c’est-à-dire corrigé de l’inflation (estimée à 2,6%) n’est en hausse que de 2,4 Md€. Concrètement, 40% de la hausse annoncée est absorbée par l’inflation.
Pour le reste, cette augmentation correspond principalement aux mesures de revalorisation (prime d’attractivité), au Pacte et aux mesures statutaires (5 points d’indice en janvier 2024) dont la plupart sont déjà annoncées et mises en place.
Par ailleurs, 46 M€ sont crédités pour l’extension de l’instruction obligatoire à 3 ans (contre 29,04 M€ en 2023), mesure phare du gouvernement Macron instaurée en 2019.
Les hausses de salaires prévues dans le budget 2024 correspondent à l'augmentation de la prime d'attractivité mise en place en septembre 2023 et reconduite, à la hausse du point d'indice de juillet 2023 et à la revalorisation des grilles d'avancement de 5 points d'indice en janvier 2024.
Ces mesures déjà en vigueur en grande partie ne compensent pas l’inflation. Elles ne permettent pas de répondre aux besoins des personnels qui subissent un déclassement salarial qui se creuse chaque année un peu plus depuis plusieurs décennies et renforce la crise d’attractivité.
La FSU-SNUipp continue de défendre la revalorisation massive de l'ensemble des personnels, à chaque échelon de carrière, sans tâches supplémentaires imposées par le ministère avec le Pacte enseignant !
Emploi : une perte sèche
Pour ce qui est des emplois, le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse bénéficie de 560 Équivalents Temps Pleins (ETP) supplémentaires (voir tableau ci-dessous). Ce nombre d’ETP correspond à la différence entre la création de 253 ETP administratifs et 3000 ETP d’AESH et les suppressions de 2 693 ETP dans l’enseignement.
Avec 1 709 retraits d’emplois dans le premier degré en 2024 (484 dans le secondaire), la suppression de postes continue son chemin pour un total de 2 826 suppressions en 2 ans.
Ils sont justifiés par le gouvernement par « l’évolution de la démographie des élèves qui permet de retirer des emplois sans baisser le taux d’encadrement ».
Alors que le Ministre déclare à outrance vouloir lutter contre l’échec scolaire, ce budget était l’occasion de prouver que cette problématique est une priorité.
Or, en ne saisissant pas l’occasion de baisser les effectifs dans toutes les classes, de développer la présence de PE spécialisés, en rognant les moyens existants, le ministère en reste à des éléments de langages destinés à nourrir la communication du ministre.
La FSU-SNUipp dénonce ces suppressions de postes. La baisse démographique ne devrait pas être le prétexte à des fermetures de postes mais être une opportunité pour doter l’Ecole des moyens utiles à son bon fonctionnement : de ré-abonder les brigades de remplacement fortement sous-dimensionnées et les RASED, d'abaisser les effectifs partout dans un objectif de lutte contre l'échec scolaire.
Des budgets liés à des contractualisations
En plus du “Pacte enseignant”, de nombreuses lignes de ce budget concernent des dispositifs ou des contractualisations , fers de lance de la politique ministérielle : contrats locaux d’accompagnement (CLA), territoires éducatifs ruraux (RER). Le Fonds d’innovation pédagogique (FIP) de 10 M€ permettra de financer les projets pédagogiques dans le cadre du CNR ( conseil national de la refondation).
Des crédits sont imputés sur le programme “Actions éducatives complémentaires aux enseignements” au profit de dispositifs contractuels comme « école ouverte » et « vacances apprenantes » (19,9 M€).
- Les crédits pédagogiques dans le cadre notamment de projets sont quasiment doublés (9,6 M€ contre 5,5 M€ en 2023). Notamment par l'équipement des élèves des classes de CP et CE1 en manuels scolaires dans les quartiers prioritaires de la ville (3,1 M€).
- L'expérimentation et le financement des contrats locaux d’accompagnement (CLA) se poursuit en 2024.
- Les Conventions « territoires éducatifs ruraux » (TER) voient leurs financements plus que doublés 2,48 M€ (contre 1,02 M€ en 2023).
Ce budget 2024 marque de nouveau une politique d'individualisation des salaires, de contrôle des pratiques et de mise en concurrence des établissements comme des personnels. Ce faisant, le gouvernement poursuit la politique de transformation du métier enseignant et de dégradation du service public d’éducation nationale.
La formation en berne
Les crédits pour la formation sont en baisse : 24,7 M€ contre 26,5 M€ en 2023.
Ces crédits couvrent la formation continue et les déplacements liés aux actions de formation, mais aussi la formation réglementaire des directeurs et directrices, les frais de déplacements des stagiaires et la gratification des étudiant·es en master MEEF.
Les crédits alloués à la formation des AESH sont en baisse également (4,22 M€ contre 5,42 M€ en 2023).
Une fois encore, une preuve que la question de la la lutte contre l’échec scolaire n’est pas prise à bras le corps : ne pas former correctement les personnels, c’est manquer d’ambition pour les élèves.
Pour la FSU-SNUipp, il faut faire de la formation continue des enseignants une des grandes priorités de l’école. C’est la ligne adoptée par tous les pays qui ont réformé avec succès leur système éducatif. Mais ce n’est clairement pas l’orientation prise avec ce budget…
La FSU-SNUipp revendique une formation adossée à la recherche avec une collaboration plus grande entre les composantes universitaires et les INSPE, s’appuyant sur des équipes pluri-catégorielles de formatrices et formateurs, dont les enseignantes et enseignants rattachés aux INSPE et les maîtres formateurs font partie.
Avantage au privé
Le privé voit son budget porté à 9,03 Md€, soit une hausse de 6,70%. C’est le programme qui bénéficie de l’augmentation la plus importante pour 2024 : un signal fort de soutien du gouvernement à l’enseignement privé au détriment de l’enseignement public.
Alors que le contexte économique nécessiterait de développer les services publics et les solidarités, le gouvernement fait le choix de baisser le niveau des dépenses publiques en refusant de mettre à contribution les ménages les plus aisés et les grandes entreprises.
Pour la FSU-SNUipp, ces choix politiques ne sont pas à la hauteur des enjeux. Dans le premier degré, c’est la douche froide avec 1 709 suppressions de postes. Une part croissante des dépenses concerne des actions « sur projets » ou des contractualisations – TER, CLA, part fonctionnelle Pacte – ce que dénonce le syndicat. Ce budget tourne le dos à la résorption des inégalités scolaires et à la nécessité de donner à l'école les moyens dont elle a besoin. Pourtant les comparaisons internationales montrent toujours des écarts importants au niveau du premier degré, largement sous-investi en France.
La FSU-SNUipp continuera de porter un plan d’urgence pour l’École dans le débat parlementaire et auprès de l’opinion publique.